Vie des campus

Quand un ancien candidat de Top Chef se glisse dans la peau d’un chef du Crous

Par Marine Dessaux | Le | Expérience étudiante

Cuisiner pour 1000 étudiants avec le même budget et dans les mêmes conditions que les agents du restaurant universitaire du Crous de Créteil : c’est le défi qu’a relevé un des candidats de Top Chef 2023, Jean Covillault, le 15 mai dernier. Au terme d’un mois de préparation, il a élaboré un menu simple, mais gourmand, et a partagé ses astuces avec les cuisiniers.

Le chef itinérant, Jean Covillault, s’est glissé dans la peau d’un chef Crous pour une journée. - © CM/M.Dessaux
Le chef itinérant, Jean Covillault, s’est glissé dans la peau d’un chef Crous pour une journée. - © CM/M.Dessaux

C’est le Crous de Créteil qui a fait le premier pas : il a invité Jean Covillault, chef itinérant originaire d’Auvergne, connu depuis son passage en 2023 dans l’émission télévisée Top Chef, à cuisiner un déjeuner pour les étudiants et personnels du campus de l’Université Paris Est Créteil (Upec).

Cette venue est l’occasion de « mettre un coup de projecteur sur le restaurant universitaire, montrer qu’on peut faire du gastronomique à petit prix », pour Virginie Catherine, directrice générale du Crous de Créteil.

Des trois étoiles au Crous

Virginie Catherine est directrice générale du Crous de Créteil. - © CM/M.Dessaux
Virginie Catherine est directrice générale du Crous de Créteil. - © CM/M.Dessaux

« C’est un changement fois 50 par rapport à ce que je fais d’habitude », s’exclame Jean Covillault. Le chef, qui travaille dans des restaurants « à taille humaine » avec entre 25 et 40 couverts, a collaboré avec la trentaine d’agents Crous pour préparer ce 15 mai plus de 1000 repas. Un chiffre plutôt bas pour le restaurant universitaire qui connaît une baisse de fréquentation en période d’examens, mais nourrit habituellement 1500 personnes.

« Il s’agit d’un travail en équipe, le chef D’Jhims Lery a passé toutes les commandes et tout organisé. Je cristallise la mobilisation pour réaliser un menu plus travaillé », expose Jean Covillault.

Les deux chefs se sont rencontrés deux fois en amont, afin de convenir du menu. Ils ont opté pour des produits frais et des plats classiques, susceptibles de plaire au plus grand nombre. « Je fais une cuisine simple et accessible pour que tout le monde reconnaisse et goûte », explique l’ancien candidat de Top Chef.

Bien manger à petit budget

Disposant de 8 € par repas environ (payé en partie par l’usager, en partie par des subventions d’État), le chef doit travailler avec un budget très en deçà de ceux des grands restaurants.

« Je suis aussi fier de cuisiner pour les étudiants que pour un trois étoiles où on mange parfois pour 400 € le menu, alors qu’avec cette même somme les étudiants boursiers peuvent manger toute une année », remarque Jean Covillault.

Le Crous n’a pas augmenté son budget non plus pour faire venir le chef, sa participation étant bénévole. « En travaillant une partie de l’année pour un projet de grande distribution, je peux participer à des projets plaisirs le reste du temps », précise-t-il.

Quel menu et quel verdict ?

En entrée, le chef a proposé une salade de pommes de terre aux câpres frites ou un gaspacho et croûtons à l’ail confit; en plat, un haut de cuisse de poulet mariné accompagné de son crumble de tomate ou un curry de courgette au citron, semoule et amande ; et en dessert, une île flottante crème anglaise et caramel au beurre salé.

Aux dires d’étudiants et personnels interrogés — une partie d’entre eux étant venus exprès d’autres campus pour goûter ce plat — le résultat est concluant. Même des étudiants qui n’étaient pas au courant de la venue du chef remarquent que le plat du jour est particulièrement réussi. Le crumble de tomate, en particulier, a du succès. « C’est une recette de ma maman, facile à faire en grande quantité », sourit Jean Covillaut.

Un déjeuner qui proposait une option végétarienne. - © CM/M.Dessaux
Un déjeuner qui proposait une option végétarienne. - © CM/M.Dessaux

Inspirer et motiver des agents dans des conditions difficiles

Jean Covillault est chef intinérant. - © CM/M.Dessaux
Jean Covillault est chef intinérant. - © CM/M.Dessaux

La venue d’une personnalité publique permet de remotiver les personnels aux conditions de travail difficiles « L’idée avec cet événement, c’est d’inspirer toute l’équipe en redonnant un coup de boost, en sortant de la routine. J’adore pouvoir revaloriser le travail des cuisiniers des Crous qu’on ne met pas en avant », rapporte celui qui a étudié à l’Institut Paul Bocuse (rebaptisé Lyfe aujourd’hui).

« En formation, l’objectif c’est de travailler dans les palaces, on ne nous dit jamais que chef dans un Crous, c’est tout aussi bien. Il n’y a pas de meilleur ou moins bon professionnel, ce sont des passionnés aussi », ajoute-t-il.

Khady Correa, seconde en cuisine depuis 2022, explique se lever à deux heures du matin, car elle commence tôt et habite loin. Problématique commune aux établissements du supérieur public, les salaires ne sont pas compétitifs et il s’avère difficile de recruter des cuisiniers avec de l’expérience.

Enfin, le restaurant universitaire, qui travaillait avec des plats déjà préparés par Sodexo, est passé depuis plusieurs années au 100 % fait maison, ce qui entraîne une charge de travail importante.

Des conseils qui pourront être réutilisés

Le menu issu de cette collaboration a fait l’objet de fiches techniques afin que tous les restaurants universitaires puissent le proposer à leur tour. Les conseils du chef seront eux aussi utilisés au quotidien.

« Quand on fait de grosses quantités tout le temps, on perd le côté on goûte, on assaisonne », cite-t-il notamment comme point d’amélioration. « Nous allons reproduire ce que nous avons appris », assure le chef D’Jhims Lery.

Une prestation à 1€ toujours aussi populaire depuis la crise sanitaire

Si cette initiative a mis en lumière le Crous de Créteil, le restaurant universitaire n’a pas besoin de faire de publicité ! Depuis le passage des repas à 1 € pour les boursiers en 2020 (maintenu depuis), de nombreux étudiants viennent enrichir les files d’attente des restaurants universitaires chaque midi. Pour répondre à la demande, le Crous de Créteil a « disséminé la prestation à 1 € sur le campus, au sein des cafétérias qui servent désormais des plateaux-repas », explique Virginie Catherine.

D’autres défis avec des personnalités publiques à venir

« Nous sommes les premiers à inviter des chefs dans nos restaurants universitaires en France », souligne Maleka Mayemba, responsable communication et marketing du Crous de Créteil.

Ce dernier a déjà reçu Julia Sedefdjian, la plus jeune cheffe étoilée de France, le 6 décembre 2022 sur le campus de l’Université Paris 8. Ces initiatives vont continuer : d’autres invités surprises sont attendus à partir de la rentrée prochaine.

Une démarche responsable

Le 15 mai également, le Crous de Créteil a officialisé son adhésion au programme Mon Restau Responsable. Une démarche à l’initiative de la Fondation pour la nature et pour l’homme, qui vise à privilégier le bio, les produits de saison, le fait-maison et la lutte contre le gaspillage.