Fundraising : comment les fondations du sup’ peuvent-elles se tourner vers l’international ?
Par Enora Abry | Le | Relations extérieures
Et si, pour récolter des fonds, les fondations de l’enseignement supérieur français voyaient plus loin que leurs frontières ? Plusieurs grandes écoles ont déjà franchi le pas, comme Sciences Po. Comment s’y prendre ? Par où commencer ? Mode d’emploi.
En juin 2021, Sciences Po reçoit un don de 25 millions de dollars, étalé sur dix ans, de la part du McCourt Institut, un don d’origine américaine. Dès lors, l’Institut d’études politiques français devient partenaire fondateur du programme de recherche « Tech for the common good* » qui a pour but d’examiner l’impact de la technologie sur nos sociétés. Ce don a en outre permis de financer une partie du nouveau campus de l’établissement, au cœur de Paris. Voici un exemple de levée de fond internationale réussie.
Mais comment s’y prendre ? Par où commencer ? Telles étaient les problématiques abordées lors de l’atelier « Et si vous développiez votre fundraising au-delà des frontières ? Cap à l’international ! » organisé durant la 16e Conférence de fundraising pour l’ESR de l’Association française des fundraisers.
Pour répondre à ces questions, Marie Caillat, responsable de la philanthropie internationale à la Fondation de France et Domitille Marchal-Lemoine, déléguée générale de Friends of fondation de France aux États-Unis, livrent un mode d’emploi basé sur leurs expériences.
Étape 1 : Établir le plan de départ
Une levée de fonds, cela s’organise. « Les indispensables de la levée de fonds sont les mêmes en France et à l’étranger », affirme Marie Cailla. Elle détaille ainsi une recette universelle, avec trois ingrédients principaux.
Raconter une belle histoire
Effectuer une campagne pour une levée de fonds, c’est avant tout raconter une histoire qui définit l’établissement en exposant ses origines et ses objectifs. Le storytelling permettra aux différentes parties prenantes de comprendre le projet et de s’y sentir intégré.
Des interlocuteurs
Une fois le récit établi, encore faut-il des gens à qui le raconter ! Différentes options s’offrent alors à l’établissement : des entreprises françaises ou internationales, les alumni sur le territoires et vivants à l’étranger, les parents d’élèves, etc.
Cependant, Marie Caillat insiste sur le fait que même s’il s’agit souvent de grandes instances s’aidant l’une l’autre, les relations dans le cadre d’une levée de fonds doivent rester concrètes et humaines pour attirer le don.
« Il ne faut pas oublier que les personnes donnent aux personnes », rappelle-t-elle.
Savoir s’entourer
Avant d’entrer en communication avec des interlocuteurs internationaux, la gouvernance de l’établissement peut s’appuyer sur son réseau préexistant. Marie Caillat le précise, il faut penser « gouvernance au sens large. Cela inclut les partenariats et les autres réseaux comme les associations de directeurs d’université, etc. ».
Une autre idée peut être avancée : la création d’un comité dédié à la levée de fonds internationale.
« À partir de là, dans votre casting, vous sélectionnez une ou deux personnes qui ont déjà un œil aguerri sur les questions internationales », poursuit-elle.
Étape 2 : Cibler de futurs donateurs
Maintenant que les bases sont solides, l’établissement peut se lancer à la recherche de ses futurs donateurs. Par où commencer ? Trois points d’analyse se distinguent pour faire une sélection.
La concentration du réseau
Le choix du territoire où lancer sa campagne peut s’effectuer en analysant quel pays a le plus de relations avec l’établissement qui souhaite lever des fonds. Deux types de relations sont à prendre en compte.
En premier lieu, les partenariats avec les universités ou autres institutions académiques locales. « Ces partenariats sont très importants pour instaurer une relation de confiance et assurer une visibilité », explique Marie Caillat. « C’est grâce à la collaboration entre Sciences Po et l’Université Georgetown aux États-Unis que le don du McCourt Institut a été possible », ajoute Domitille Marchal-Lemoine.
Dans un second temps, les alumni. L’établissement aura plus de chance d’obtenir des dons s’il se dirige vers un pays où la concentration d’alumnis est importante.
Des critères pratiques
Outre les aspects théoriques, il ne faut pas négliger les aspects pratiques pour une levée de fonds. L’endroit visé est-il facile d’accès ? Est-ce que les équipes de l’établissement pourront facilement se rendre sur place pour rencontrer les donateurs potentiels ? « Dans un contexte de pandémie mondial, cet aspect a bien évidemment son importance », rappelle Marie Caillat.
À prendre en compte : le cadre fiscal du pays visé. Permet-il d’effectuer des dons pour des institutions étrangères ? Cela est-il avantageux pour les futurs donateurs ? Afin d’effectuer une première étude, la responsable philanthropie de Fondation France recommande de se pencher sur une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) parue en 2020. Celle-ci donne un panorama de la fiscalité de la générosité dans près de 40 pays.
Une culture du don
La levée fonds ce n’est pas une science dure, c’est un art
« Tous les points que nous avons indiqués - cadre fiscal, facilité d’accès et de partenariat - semblent pointer vers les États-Unis », fait remarquer Marie Caillat.
Domitille Marchal-Lemoine qui habite aux États-Unis depuis huit ans explique que ces indicateurs ne sont pas la seule raison qui fait des États-Unis un endroit propice pour lancer une campagne de don : « Aux États-Unis, il y a une culture du don. 60 % des foyers américains donnent tous les ans, car il y a une incitation fiscale très forte. En un chiffre : la philanthropie aux États-Unis, c’est 470 milliards de dollars en 2020, dont 71 milliards pour l’éducation. Les Américains ont une véritable culture du don. En plus de cela, 17 000 Américains étudient en France chaque année et 160 000 Français vivent aux États-Unis, cela constitue un vivier très important. »
Toutefois, Marie Caillat souligne :
« La levée de fonds n’est pas une science dure, c’est un art. Il faut se concentrer sur les personnes, plutôt que sur des endroits. Il faut des gens motivés et qui adhèrent au projet. »
Étape 3 : Se faire connaître
Une fois le plan établi et le lieu choisi, il faut pouvoir se faire connaître. Un bon moyen est l’évènementiel, bien sûr ! En fonction de leurs expériences, Marie Caillat et Domitille Marchal-Lemoine conseillent trois types d’évènements à organiser pour une levée de fonds dans un pays étranger.
Le gala
Le gala n’est certes pas une pratique nouvelle, mais « c’est un modèle qui perdure », assure Marie Caillat qui donne quelques clefs pour une organisation réussie.
« Il faut d’abord obtenir le soutien d’un presenting sponsor** qui va financer votre gala et vous permettre de lever des fonds dès le premier ticket acheté. Il s’occupera également de la communication. Il faut aussi s’appuyer sur des noms connus localement d’où l’importance d’avoir des réseaux en place avant la démarche de collecte. »
Le dîner VIP
Le dîner VIP est un format très apprécié, selon Marie Caillat. « C’est le cas surtout quand il est organisé chez un ambassadeur. C’est toujours mieux et plus convivial quand cela se déroule chez quelqu’un, à moins d’avoir accès à un lieu exceptionnel », ajoute-t-elle.
Le petit déjeuner thématique
Le petit déjeuner est une pratique bien plus récente et qui s’adapte mieux aux emplois du temps d’aujourd’hui. « Surtout à New-York, précise Marie Caillat. C’est difficile de rencontrer les gens en fin de journée. Souvent, ils veulent rentrer chez eux. Nous avons remarqué que la fréquentation était bien plus importante aux évènements se déroulant en matinée. »
Quels outils pour effectuer et recevoir des dons étrangers ?
*En français : La technologie pour le bien commun.
**En français : commanditaire principal.