Métiers
&
carrières

Bugs, report de calendrier : qu’est-il arrivé au portail Galaxie ?

Par Théo Haberbusch | Le | Personnels et statuts

Face à un afflux de demandes d’enseignants-chercheurs, le portail Galaxie a accumulé les bugs, conduisant le ministère à revoir le calendrier de dépôt en ligne pour les demandes de primes et les dossiers de recrutement. Décalage également, pour la procédure d’examen dans les établissements et par le Conseil national des universités (CNU). Les nouvelles mesures indemnitaires de la LPR, qui semblent rencontrer leur public, sont en partie l’explication. Mais ce n’est pas la seule.

Bugs, report de calendrier : qu’est-il arrivé au portail Galaxie ?
Bugs, report de calendrier : qu’est-il arrivé au portail Galaxie ?

« Au ministère, ils sont très attentifs, ils sentent que cela peut leur péter au nez. » Ce syndicaliste résume l’ambiance alors que la plateforme Galaxie, bien connue des enseignants-chercheurs, accumule les bugs depuis le 30 mars. Conséquences : les délais de dépôts des demandes de primes et des dossiers pour le recrutement ont été décalés à plusieurs reprises. Les syndicats de tous bords se sont saisis, plus ou moins bruyamment du sujet - la CGT a ainsi évoqué une « catastrophe industrielle » et le Syndicat national de l’enseignement supérieur (Snesup) a écrit à la ministre Frédérique Vidal.

Dans la soirée du mercredi 6 avril, après une journée de consultations discrètes, notamment de France Universités et des associations métiers concernées (vice-président ressources humaines, Association des directeurs des services, directeurs ressources humaines), le ministère a annoncé une nouvelle prolongation des délais sur Galaxie et un report des dates de la campagne 2022 (voir encadré). 

Stress et frustration pour les personnels

L’indisponibilité de Galaxie tourne au casse-tête bien sûr pour les enseignants-chercheurs. Christine Barralis, maîtresse de conférences en histoire médiévale à l'Université de Lorraine, et membre du Sgen-CFDT, avait constitué un dossier de demande de prime « Ripec », du nom du nouveau régime indemnitaire des enseignants-chercheurs.

« Initialement, la limite du dépôt de candidatures était fixée à jeudi 31 mars. J’ai terminé la rédaction de mon dossier mercredi soir, à minuit passé, et la plateforme a planté. À ce moment-là, je ne savais pas que le problème était généralisé et j’ai eu peur que la deadline soit maintenue. J’ai donc retenté l’opération à l’aube puis toutes les heures jusqu’à 20h. Finalement, c’est vendredi à 6 heures du matin que j’ai réussi à tout mettre en ligne. »

Christine Barralis est élue Sgen-CFDT à l’Université de Lorraine.  - © D.R.
Christine Barralis est élue Sgen-CFDT à l’Université de Lorraine. - © D.R.

Christine Barralis souligne que ces bugs « sont stressants quand on demande une prime et qu’on a passé beaucoup de temps à constituer la demande. Mais c’est encore pire pour ceux qui font une demande de poste : c’est leur avenir qui est en jeu ».

Pour les personnels de la fonction RH, la situation vire à l’angoisse. « Les agents de la direction générale du ministère (DGRH) bossent jour et nuit, c’est aussi hyper dur dans les services ressources humaines (RH) des universités », rapporte Franck Loureiro, secrétaire général adjoint du Sgen-CFDT.

Pour accéder à Galaxie quand les serveurs sont moins sollicités, « certains agents se connectent entre 2 heures et 4 heures du matin ». Une nécessité pour les services RH des universités qui examinent en ce moment les dossiers de leur futurs attachés temporaires d’enseignement et de recherche (Ater) et ont aussi pour cela besoin d’accéder à Galaxie.

L’évolution du calendrier

• Primes individuelles (composante 3, dite « C3 » du Ripec) : la date de clôture des inscriptions sur Galaxie est repoussée au vendredi 8 avril à 16 heures et les délais de traitement des campagnes d’attribution par les universités et le Conseil national des universités (CNU) sont prolongés de deux semaines supplémentaires. Le retour des établissements est fixé au 3 juin, l’examen par le CNU aura lieu du 7 juin au 4 octobre et l’attribution par les universités prendra fin le 16 décembre. 

• Campagne d’emploi (campagne de recrutement dite « synchronisée ») : la clôture des inscriptions est repoussée au 8 avril à 12 heures et les délais de traitement des établissements et des COS (comités de sélection) sont reportés également d’une semaine supplémentaire. En bout de course, la publication des postes est prévue pour le 24 juin à midi. 

Les explications multiples du problème

Les enjeux techniques

Au ministère comme dans les syndicats, l’avis est unanime, les bugs de Galaxie ne sont pas nouveaux. Le système est ancien, une refonte était d’ailleurs prévue avant cet épisode, et les enseignants-chercheurs ont pris l’habitude de déposer leurs demandes au dernier moment.

Techniquement, les soucis ont commencé parce que l’un des trois serveurs hébergeant la plateforme est à l’arrêt. Les deux suivants ont assuré le relais et devraient tenir jusqu’à vendredi, assure une source proche du dossier. 

Mais le problème a pris une acuité particulière cette année, marquée par un afflux de demandes.

La hausse des demandes en lien avec les mesures de la LPR

S’agissant des primes, il s’agit de la première mise en œuvre du Ripec déjà mentionné et créé dans le cadre de la loi de programmation de la recherche (LPR). Ce nouveau régime prévoit une prime individuelle (dite « C3 ») qui remplace la prime d’encadrement et de recherche doctorale (PEDR). Et les demandes explosent !

Jusque-là trustée par les professeurs d’université (et majoritairement par des hommes), elle générait 6000 demandes sur Galaxie. Cette année le chiffre a doublé pour atteindre 12 000 candidats. Et il ne devrait pas y avoir trop de déçus puisque les possibilités d’attribution ont augmenté de 120 %.

La campagne de recrutement aussi voit les compteurs s’affoler. Du fait des départs à la retraite et d’un effort des établissements, le nombre de postes offerts cette année progresse de 16 %, ce qui représente 200 postes de maitres de conférences et une centaine de professeurs d’université. Le chiffre définitif n’est pas connu, mais le ministère anticipe 60 000 dossiers de candidature cette année, contre 54 000 l’an dernier.

Des dates similaires pour déposer tous les dossiers

Franck Loureiro a demandé un geste en direction des agents des services RH des universités. - © Anne Bruel/Infocom CFDT
Franck Loureiro a demandé un geste en direction des agents des services RH des universités. - © Anne Bruel/Infocom CFDT

Ces deux tendances sont durables et peuvent déjà amener à se poser des questions pour la campagne 2023. Pour le Sgen-CFDT, comme d’ailleurs pour le Snesup dans son courrier à Frédérique Vidal, l’enjeu est donc désormais de réfléchir à une réorganisation de fond

« Nous sommes tous d’accord pour dire que l’erreur majeure du ministère a été de fixer le dépôt des différents types de dossiers aux mêmes dates, souligne Christine Barralis. C’est une remarque qui avait été faite par les établissements en amont, pourtant. D’autant que la gestion des demandes de prime et leur analyse en interne sont très lourdes. Collectivement, on se rend compte que ça va être une usine à gaz. »

Autre demande formulée, par Franck Loureiro cette fois : qu’un geste financier soit fait pour les personnels RH surmobilisés pour faire face aux difficultés.