Le nouveau régime indemnitaire des enseignants-chercheurs et chercheurs expliqué
Par Marine Dessaux, Théo Haberbusch | Le | Personnels et statuts
En vigueur depuis le 1er janvier 2022, le nouveau régime indemnitaire unifié à destination des enseignants-chercheurs, personnels assimilés et des chercheurs, aussi appelé Ripec, se substitue aux primes et indemnités actuelles. Il repose sur trois composantes, allant d’un montant de 2800 euros jusqu’à un maximum de 18000 euros sur l’année. Mode d’emploi.
Fini les primes et indemnités telles que les enseignants-chercheurs et chercheurs les connaissent : c’est désormais sous le Ripec, le nouveau régime indemnitaire unifié, que sont rassemblés les avantages financiers auxquels ces derniers peuvent prétendre.
D’où vient le Ripec ?
Ce nouveau régime indemnitaire est une conséquence de la loi de programmation pour la recherche (LPR) puisqu’il est prévu par le rapport annexé au texte. L’enjeu affiché : aligner les régimes des enseignants-chercheurs et des chercheurs et les revaloriser.
Il a été précisé par le protocole sur les carrières et rémunérations signé le 12 octobre 2020 par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (Mesri) et trois syndicats (le Sgen-CFDT, l’Unsa et le SNPTES). Un décret et un arrêté datés du 29 décembre 2021 font entrer en vigueur ces nouvelles dispositions.
À noter que le comité technique ministériel de l’Esri du 10 juin 2021 avait émis un avis négatif sur le projet de décret. L’Unsa et le SNPTES, signataires de l’accord initial, ont approuvé sa concrétisation, mais le Sgen-CFDT a émis un avis finalement négatif, jugeant les modalités de distribution inappropriées.
Qui est concerné ?
- Les professeurs des universités et maîtres de conférences relevant des dispositions du décret du 6 juin 1984 ainsi que les enseignants-chercheurs qui leur sont assimilés en application de l’arrêté prévu à l’article 6 du décret du 16 juin 1992,
- Les directeurs et chargés de recherche relevant des dispositions du décret du 30 décembre 1983 et du ministère chargé de la recherche.
- Ce régime est également applicable aux délégués régionaux académiques à la recherche et à l’innovation (les Drari, voir décret du 9 décembre 2020), aux enseignants-chercheurs placés en délégation auprès de l’Institut universitaire de France ou d’un organisme de recherche.
- Un arrêté conjoint du ministre chargé de la fonction publique, du ministre chargé du budget et du ministre intéressé peut, en outre, autoriser, selon un tableau d’assimilation par grade, le versement de ce régime indemnitaire à d’autres fonctionnaires de grade équivalent ne relevant pas de ces corps et en exerçant les missions.
Les trois composantes du Ripec
Les personnels concernés peuvent bénéficier :
- d’une indemnité liée à leur grade, dite « C1 » ou « socle » ;
- d’une indemnité liée à l’exercice de certaines fonctions et responsabilités particulières (« C2 »),
- d’une prime individuelle liée à la qualité de leurs activités et de leur engagement professionnel (« C3 »).
Les composantes 1 et 2 sont des indemnités que les enseignants-chercheurs et chercheurs toucheront de droit, la C3 est une prime liée à une appréciation.
Quels montants ?
Pour l’ensemble des personnels concernés par l’indemnité liée au grade, le montant s’élève à 2800 € brut.
Pour l’exercice de certaines missions particulières :
• Pour les responsabilités particulières ou missions temporaires : montant annuel maximum de 6000 euros ;
• Pour les responsabilités supérieures : montant annuel maximum de 12000 euros ;
• Pour les fonctions de direction : montant annuel maximum de 18000 euros ;
Pour la prime individuelle : le montant annuel plancher est fixé à 3500 euros et le montant annuel maximum est fixé à 12000 euros.
Indemnité liée au grade
La première indemnité, l’équivalent des anciennes primes de recherche et d’enseignement supérieur (Pres) et prime de recherche (PR), est versée en application d’un barème annuel par grade aux personnes qui exercent en position d’activité ou de délégation :
- pour les enseignants-chercheurs, les missions fixées à l’article L. 123-3 du code de l’éducation (formation, recherche, diffusion, orientation, insertion, coopération internationale…) ;
- pour les chercheurs, les missions fixées à l’article L. 411-1 du code de la recherche (développement des connaissances, transfert, information-diffusion, participation à la formation, administration, expertise…).
Elle est également versée aux personnes mises à disposition pour création d’entreprise ou pour concours scientifique en application des articles L 531-1 et L 531-8 du code de la recherche.
L’enveloppe prévue. La part du budget dédié aux primes liées au grade passera de 57,5 millions d’euros à 293,6 millions en 2027. Cette augmentation de 236,1 millions d’euros permettra de faire passer l’actuelle Pres de 1260 € à 6400 € en 2027.
Indemnité liée à l’exercice de certaines fonctions ou responsabilités particulières
La 2e indemnité est liée à l’exercice de certaines fonctions ou responsabilités particulières qui leur sont confiées. Le montant de cette composante est plafonné par groupes de fonctions ou du niveau des responsabilités exercées.
- Les fonctions et responsabilités concernées sont déterminées par décision du chef d’établissement.
- Lorsque le bénéficiaire de cette indemnité exerce des fonctions ou responsabilités relevant de plusieurs groupes de fonctions, il bénéficie du plafond applicable au groupe de fonctions le plus élevé.
- Pour les enseignants-chercheurs, cette composante est versée pour des fonctions ou responsabilités qui sont exercées en sus de leurs obligations de service.
Cette composante indemnitaire peut être également attribuée pour reconnaître l’exercice d’une mission temporaire confiée par le chef de l’établissement sur le fondement d’une lettre de mission pour une durée maximale de 18 mois — ou à toute personne qui exerce au sein de cet établissement des missions telle que définies par le second article sans y être affecté.
Par ailleurs, cette indemnité peut être utilisée dans le cadre de mise à disposition pour permettre à l’organisme d’accueil de verser le complément de rémunération mentionné à l’article 7 du décret du 16 septembre 1985.
Attention cependant, elle ne peut concerner des enseignants-chercheurs placés en position de délégation, en congé pour recherches, conversions thématiques ou en congé pour projet pédagogique.
L’enveloppe prévue. La part relative aux fonctions passera de 34,7 millions d’euros à 79,2 millions. Selon l’accord d’octobre 2020 entre le ministère et les syndicats signataires, cette augmentation de 45,5 millions d’euros permettra au moins pour les deux tiers de mieux valoriser et d’élargir les bénéficiaires des primes fonctionnelles existantes en accordant une attention particulière à la prise de responsabilités pédagogiques et, pour un tiers au plus, de valoriser des missions ponctuelles d’une durée moyenne d’un an confiées à des enseignants-chercheurs.
La prime individuelle
Remplaçant la prime d’encadrement doctoral et de recherche (PEDR), cette prime est versée sur dossier de candidature. Elle est fixée en fonction d’un montant annuel plancher et d’un montant annuel plafond.
Combien de personnels sont-ils concernés ? « La cible est de 45 % des effectifs des corps, contre 22,5 % des enseignants-chercheurs actuellement avec la PEDR. Pour les chercheurs également, cette prime permet de doubler l’assiette des bénéficiaires », indique Jérôme Giordano, secrétaire national du syndicat SNPTES.
L’enveloppe prévue. La part individuelle passera de 56,9 millions d’euros à 93,2 millions d’euros d’ici 2027.
Conversion en CRCT ou congé pour projet pédagogique
Les enseignants-chercheurs bénéficiaires peuvent être autorisés une fois tous les cinq ans à convertir, pour tout ou partie, leur prime individuelle, selon des modalités qui doivent être définies par un arrêté.
Ces conversions sont accordées par décision du chef d’établissement au vu d’un dossier et après avis du Conseil national des universités (CNU) pour une demande de congé de recherche ou de reconversion thématique (CRCT) ou après avis du conseil académique en formation restreinte pour une demande de congé pour projet pédagogique (CPP).
Comment est attribuée la prime individuelle ?
Un arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur précisera le calendrier et les modalités de dépôt des candidatures des enseignants-chercheurs, qui devront être accompagnées d’un rapport d’activité.
L’évaluation des candidatures repose sur des avis successifs, d’abord du conseil académique en formation restreinte, puis de la section compétente du CNU. « Ils travaillent de manière symétrique et évaluent l’ensemble des dossiers à l’identique », note Jérôme Giordano, du SNPTES.
Pour les chercheurs, une décision du président ou du directeur de l’organisme précise le calendrier et les modalités de dépôt des candidatures. Les dossiers sont évalués par l’instance d’évaluation compétente à l’égard du chercheur concerné en application des règles statutaires de son corps.
La prime est attribuée sur décision du président d’université ou directeur d’établissement pour une durée de trois ans.
À noter. Pendant les trois ans que dure l’attribution de la prime, les bénéficiaires ne peuvent pas déposer une autre demande de prime individuelle. Au terme de la période, un délai de carence d’un an est prévu pendant lequel nul ne peut demander à bénéficier d’une nouvelle prime individuelle pour le même motif. Ce délai de carence pourrait néanmoins être contourné en invoquant un motif différent.
Quelle fréquence de versement ?
À l’exception de la composante liée à l’exécution d’une mission temporaire confiée par le chef de l’établissement sur le fondement d’une lettre de mission pour une durée maximale de 18 mois, le versement du régime indemnitaire est mensuel.
Qu’est ce qui change dans les établissements ?
Parmi les nouveautés introduites par le texte figure la mise en place de « lignes directrices de gestion ministérielles » et de « lignes directrices au niveau des établissements » pour l’attribution des primes individuelles.
Ces lignes directrices :
- peuvent être précisées par des lignes directrices au niveau des établissements prises après avis de leur comité social d’administration et approbation de leur conseil d’administration.
- doivent être compatibles avec celles fixées au niveau national et, pour les établissements d’enseignement supérieur, entrent en vigueur après transmission au recteur compétent;
- sont rendues publiques.
Quelles sont les primes supprimées ?
- La prime de recherche et d’enseignement supérieur ;
- la prime de responsabilités pédagogiques ;
- la prime de charges administratives ;
- les primes de recherches ;
- l’indemnité spécifique pour fonctions d’intérêt collectif ;
- l’indemnité forfaitaire mensuelle des chargés de mission auprès du directeur du CNRS ;
- la prime de service et de rendement au profit des membres de certains corps et emplois relevant du ministère de l’écologie.
À noter. Le décret du 11 octobre 2001 instituant une prime de mobilité pédagogique vers l’enseignement supérieur en faveur des chercheurs et le décret du 26 mai 1954 instituant une indemnité forfaitaire spéciale en faveur des personnels enseignants, sont abrogés.
Quelles sont les primes cumulables avec le Ripec ?
- La rémunération des personnels qui participent, au-delà de leurs obligations statutaires de service, à la conclusion et à la réalisation des contrats de formation professionnelle avec d’autres personnes morales ;
- l’indemnité pour service à la mer ;
- la prime d’administration des présidents d’universités et chefs d’établissement;
- l’indemnité prévue pour les Drari et Drari adjoints ;
- l’indemnité pour sujétions particulières des personnels des cabinets ministériels ;
- l’indemnité pour travaux supplémentaires ;
- la prime spécifique de fonctions attribuée aux agents exerçant les fonctions de délégué du préfet, de délégué du gouvernement et de coordinateur national, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ;
- la PEDR pour les personnels apportant une contribution exceptionnelle à la recherche et aux lauréats d’une distinction scientifique de niveau international ou national, ou encore aux enseignants-chercheurs en délégation à l’IUF ;
- la prime spécifique de fonctions des chargés de mission auprès des secrétaires généraux pour les affaires régionales ;
- la prime d’intéressement;
- les indemnités compensant le travail de nuit, le dimanche ou les jours fériés ainsi que les astreintes et le dépassement régulier du cycle de travail.