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Recrutement et formation des enseignants-chercheurs : demandez le rapport !

Par Théo Haberbusch | Le | Personnels et statuts

La « concertation sur le recrutement des enseignants-chercheurs » a rendu son verdict, celui d’un « nouvel équilibre » à trouver entre l’échelon national et celui des établissements.

La loi de programmation pour la recherche (LPR) a en effet fait bouger les lignes, selon les trois rapporteurs chargés du dossier par la ministre Frédérique Vidal. Celle-ci a d’ailleurs fait connaitre immédiatement ses priorités et appelé les instances universitaires à se saisir du sujet.

Le rapport avait été commandé par Frédérique Vidal en février 2021. - © Mesri
Le rapport avait été commandé par Frédérique Vidal en février 2021. - © Mesri

Attention sujet explosif, déminage en cours. Une concertation était prévue pour mettre en oeuvre l’article 5 de la loi de programmation pour la recherche (LPR), qui prévoit que les établissements puissent recruter des candidats non qualifiés par le Conseil national des universités (CNU).

Frédérique Vidal a confié en février le soin à trois personnalités plutôt connues pour leur liberté de ton de faire le tour du sujet, en l’élargissant au recrutement et à la formation des enseignants-chercheurs : Fabienne Blaise, professeure de langue et littérature grecques, rectrice, ancienne présidente d’université (passée par le Snesup) ; Patrick Gilli, professeur d’histoire, ancien président d’une université de sciences humaines, Montpellier 3, battu alors qu’il était candidat à sa réélection fin 2020 ; et un inspecteur général, par ailleurs ancien professeur d’université, docteur en physique quantique de l’ENS, Pierre Desbiolles.

34 auditions et 91 personnes entendues plus tard, leur rapport est désormais public et Frédérique Vidal a donné ses priorités.

Les sujets clés du rapport

 Patrick Gilli, Fabienne Blaise, Pierre Desbiolles - © D.R.
Patrick Gilli, Fabienne Blaise, Pierre Desbiolles - © D.R.

Six chapitres composent le rapport : doctorat, habilitation à diriger des recherches, rôle et fonctionnement des comités de sélection, Conseil national des universités, expérimentation d’un recrutement de maître de conférences sans qualification (le fameux article 5 de la LPR), évolution des voies d’accès au corps des professeurs d’université.

Campus Matin fait le point sur ce qu’il faut en retenir.

1. Sur la reconnaissance du doctorat

Formation et accompagnement des futurs docteurs, dès le master, sont les maîtres-mots du rapport. Il souligne l’enjeu d’un financement de la thèse - sans contrat doctoral un avis collégial devrait être donné en amont - et d’un suivi suffisant pour éviter les soutenances insatisfaisantes.

La soutenance pourrait se faire en deux temps : une partie à huis clos entre le doctorant et son jury puis, une fois la thèse autorisée et éventuellement modifiée, une soutenance publique avec un auditoire élargit.

2. L’avenir de la HDR 

Campus Matin vous le disait, avec la suppression de la qualification pour devenir professeur prévue par la LPR, c’est la HDR qui change de nature. Le rapport le confirme : les établissements doivent « définir eux-mêmes les compétences attendues de leurs futurs professeurs ». Le besoin d’un « cadrage national » se fait donc sentir, tout en conservant des critères spécifiques aux disciplines ou champs disciplinaires.

Parmi les idées de la mission : définir les compétences transversales attestées par l’HDR et former les enseignants-chercheurs aux enjeux de l’encadrement doctoral.

3. Quels rôle et fonctionnement pour les comités de sélection ? 

Concernant les comités de sélection (COS), « la mission a identifié trois enjeux principaux : conforter la transparence de la procédure du recrutement, conforter sa qualité et garantir la bonne intégration dans l’établissement de tous les nouveaux recrutés ».

L’objectif de transparence passe ainsi par une « définition rigoureuse du profil du poste et par sa large publicité », et par la publication sur le site de l’université des informations relatives à la procédure et à la composition des COS.

Pour garantir la qualité de la procédure, il faut, selon le rapport, « établir une procédure de recrutement fondée sur la confiance entre pairs de l’établissement qui a fait ses preuves ailleurs ». Il est proposé que les COS soient composés de membres de l’établissement recruteur ou du site, et que le regard extérieur sur les candidats soit apporté par des avis écrits d’experts extérieurs.

La mission souligne aussi le besoin de revoir le calendrier afin que la procédure puisse bénéficier d’un temps plus long, par exemple pour organiser des mises en situation professionnelle pour les candidats admissibles.

Les idées fourmillent dans cette partie du rapport avec notamment celle de défrayer les candidats auditionnés, de former les membres des COS aux biais de genre, et d’améliorer l’intégration des nouveaux recrutés.

4. Quel avenir pour le CNU ? 

Pas de chiffon rouge dans ce rapport, qui n’envisage pas de supprimer l’instance nationale, dont nous vous avons récemment détaillé la variété du fonctionnement selon les disciplines.

Le rapport n’est pas tendre pour autant :

« Beaucoup des interlocuteurs de la mission jugent opaque la procédure de nomination des membres du CNU », peut-on lire notamment.

Il faudrait, estiment les trois auteurs, clarifier les rôles de la CP-CNU, des groupes et des sections disciplinaires. Autre enjeu : « institutionnaliser le dialogue entre le CNU et les établissements », revoir leur articulation dans le suivi de carrière (aujourd’hui insuffisamment mis en oeuvre) et instaurer un dossier unique par enseignant-chercheur.

Le CNU pourrait aussi accomplir un travail d'observatoire national des disciplines, chargé de suivre l’emploi scientifique.

5. Le recrutement de MCF sans qualification CNU

L’article 5 de la LPR prévoit une expérimentation du recrutement de maitres de conférences (MCF) sans qualification par le CNU. Une possibilité qui « a suscité peu de commentaires, mais beaucoup d’oppositions de principe parmi les interlocuteurs de la mission ».

« Il apparaît à la mission, au vu des inquiétudes exprimées, que les établissements qui y recourront devront expliquer clairement à leur communauté les raisons pour lesquelles la procédure paraît adaptée et utile », écrivent les trois rapporteurs.

En amont du recrutement, ils préconisent de faire preuve d’une grande transparence sur la procédure et de bien expliciter les critères de sélection. À l’issue de la procédure, le président du COS devrait présenter le résultat au conseil académique.

6. L’accès au corps de professeur des universités

Avec la LPR devenir professeur des universités devrait être plus aisé, puisqu’un « repyramidage » est prévu. Objectif de long terme, parvenir à un ratio de 40 % de professeurs et 60 % de MCF

Dans ce nouveau paysage, les établissements devront mettre en place des voies de promotion interne, permettant aux maîtres de conférences d’accéder au corps des professeurs.

Le maintien de l’équilibre entre MCF et PR peut être « l’occasion pour les établissements de mettre en œuvre une politique explicite et assumée de promotion interne grâce à de nouveaux outils plutôt que d’ouvrir des concours qui, en définitive, n’en seraient pas vraiment »

En effet, selon les rapporteurs, le système actuel de promotion par différents concours est « peu lisible, y compris pour les bons connaisseurs du fonctionnement des universités, peu utilisé et amène les établissements à mobiliser la voie des concours pour des promotions internes ciblées ».

Frédérique Vidal fixe ses premières priorités

Le ministère a fait le choix de rendre public le rapport en même temps qu’un communiqué de Frédérique Vidal. Une façon de faire preuve de transparence, tout en montrant que la ministre n’est pas engagée par l’ensemble des préconisations du rapport.

Elle indique néanmoins son « grand intérêt » - comprendre qu’elle fait une priorité - pour les propositions relatives au renforcement de la qualité du doctorat et de l’habilitation à diriger des recherches.

Frédérique Vidal met aussi la pression aux établissements pour qu’ils se saisissent des propositions sur le suivi de carrière, un sujet qui n’avance pas, comme l’a montré une note de la DGRH datée de février 2021. Pour la session 2020 du suivi de carrière, 955 universitaires « prioritaires » sur les 5 401 recensés ont déposé un dossier, soit un taux de participation de seulement 17,7 %,