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La réforme de la protection sociale complémentaire pour les agents publics expliquée

Par Isabelle Cormaty | Le | Personnels et statuts

Cet article est référencé dans notre dossier : Personnels et enseignants-chercheurs: prévenir des risques et (se) protéger

Les ministères de l’éducation nationale et de l’ESR ont signé avec les organisations syndicales, le 8 avril, un accord sur la mise en œuvre de la protection sociale complémentaire pour les agents, retraités et leurs ayants droit. Une réforme qui devait voir le jour au 1er janvier 2025, mais a finalement été repoussée, de six mois puis d’un an, dans un contexte de restrictions budgétaires de l’État.

La mise en œuvre de la protection sociale complémentaire a été reportée à 2026. - © Canva
La mise en œuvre de la protection sociale complémentaire a été reportée à 2026. - © Canva

Depuis le 1er janvier 2022, les employeurs publics prennent en charge une partie des cotisations de protection sociale complémentaire (PSC) de leurs agents. Ce montant s’élève à 15 euros par mois. Un dispositif temporaire, mis en place le temps d’assurer la transition vers un nouveau régime de PSC. 

Le 8 avril, les ministères de l’éducation nationale, de l’ESR et des sports ont signé avec les organisations syndicales un accord sur la protection sociale complémentaire en santé et en prévoyance. 

Environ 1,3 million de personnes seraient concernées par la bascule, estime la direction générale des ressources humaines (DGRH) des trois ministères : tous les personnels, mais aussi leurs ayants droit et les retraités, ce qui nécessite un lourd travail de recensement. 

1. Quelle est l’origine de cette réforme ?

Annoncée en 2020, la réforme de la protection sociale complémentaire découle de la loi du 6 août 2019 relative à la transformation de la fonction publique.

Son objectif : permettre aux fonctionnaires de bénéficier d’une couverture santé et éventuellement d’une prévoyance (pour le décès et l’invalidité), négociée et financée majoritairement par leur employeur. Un moyen pour l’État de pallier les niveaux d’aide très variables d’un ministère à l’autre.

Pour la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche Sylvie Retailleau, « cet accord pour la santé et pour la prévoyance au bénéfice de tous nos personnels est d’une ampleur, mais aussi d’une portée inédite. Il élargira le bénéfice pour nos personnels et assurera des conditions comparables à celles des salariés du privé. Il s’agit de tirer vers le haut les conditions de travail pour l’ensemble des personnels. »

2. Quelles sont les différentes étapes de sa mise en œuvre ?

Les trois ministères ont signé un accord avec les organisations syndicales le 8 avril 2024. - © D.R.
Les trois ministères ont signé un accord avec les organisations syndicales le 8 avril 2024. - © D.R.

Initialement prévue au 1er janvier 2025, la mise en œuvre de la PSC a été repoussée au plus tard au 1er janvier 2026.

En février 2024, le projet d’accord pour les trois ministères avait été approuvé par une majorité de syndicats : la FSU, l’Unsa Éducation, le Sgen-CFDT, la Ferc-CGT, Sud-Education/Sud-Recherche/Solidaires Jeunesse et sports, ainsi que le Snalc pour l’éducation nationale.

La signature de l’accord avec les organisations syndicales, ce 8 avril, permettra maintenant de lancer la procédure de marché qui comprendra un appel d’offres, la réception des candidatures, leur audition… « Tant que le prestataire n’est pas choisi, il n’est pas possible de finaliser le processus technique, notamment ce qui est lié aux systèmes d’information », souligne Laetitia Aresu, cheffe de file de la négociation sur la PSC du Sgen-CFDT.

De par sa taille, ce marché est crucial pour les mutuelles : il y a beaucoup à gagner pour le prestataire désigné… et beaucoup à perdre pour les autres ! Les mutuelles spécialisées sur la fonction publique y jouent leur survie. Il s’agit d’un marché « de l’ordre de plusieurs milliards d’euros sur six ans, avec en particulier un engagement de l’État de 660 millions d’euros par an », précise Sylvie Retailleau.

3. Comment expliquer ce report en 2026 ?

Boris Melmoux-Eude est directeur général des ressources humaines des ministères de l’éducation nationale, de l’ESR et des sports. - © D.R.
Boris Melmoux-Eude est directeur général des ressources humaines des ministères de l’éducation nationale, de l’ESR et des sports. - © D.R.

Le DGRH des trois ministères, Boris Melmoux-Eude avance deux raisons pour expliquer ce report : l’ajout du volet sur la prévoyance dans la négociation (qui concernait uniquement la santé à l’origine) et des questions de sécurisation juridique. 

Cette décision a suscité des interrogations chez les syndicats en lien avec le contexte budgétaire. « La PSC représente un financement important pour l’État. Donc on peut en effet se poser des questions sur le calendrier, alors que Bercy demande à faire des économies. Il y a sûrement un concours d’éléments », estime Laetitia Aresu. 

Le SNPTES-Unsa se questionne aussi sur les raisons de ce nouveau report. « S’il peut s’entendre d’un point de vue technique, il ne doit pas trouver une justification dans la nécessité pour l’État de faire des économies », dit-il, faisant référence à l’annulation de 10 milliards d’euros de crédits au budget 2024, annoncée en février.

Une compensation demandée par plusieurs syndicats

Laetitia Aresu est cheffe de file de la négociation sur la PSC pour le Sgen-CFDT. - © D.R.
Laetitia Aresu est cheffe de file de la négociation sur la PSC pour le Sgen-CFDT. - © D.R.

« Le SNPTES-Unsa déplore ce nouveau retard, car il a lieu dans un contexte d’augmentation des cotisations demandées par les mutuelles tant sur les contrats de complémentaire santé que sur ceux de prévoyance », exprime-t-il le 20 mars. 

Comme d’autres syndicats, il demande en compensation une hausse de la part forfaitaire versée par les employeurs, jusqu’à la mise en œuvre des contrats collectifs. Aujourd’hui fixée à 15 €, il souhaite la voir passer à 40 € minimum, contre au moins 30 € pour le Sgen-CFDT. 

« Si on recule la mise en œuvre d’un an au total, il est normal que l’employeur marque le coup », indique Laetitia Aresu. 

4. Quel est le contenu de l’accord ?

Selon le Gouvernement, cet accord permet des « avancées ». Il contient :

  • deux garanties optionnelles en santé, qui ouvrent à un large effectif d’adhérents la possibilité d’une protection améliorée par rapport au socle interministériel de garanties ;
  • des garanties additionnelles en prévoyance ;
  • des mécanismes de solidarité renforcés envers les retraités avec la mise en place d’une progressivité accrue de leur cotisation ;
  • des mécanismes de solidarité envers les familles, la cotisation des enfants étant réduite, tant pour les garanties socle que pour les options ;
  • un fonds d’accompagnement social permettant de financer des prestations d’accompagnement tenant compte de l’état de santé et des ressources des bénéficiaires ;
  • des actions de prévention en santé.

Les risques couverts

En plus de la PSC, l’accord prévoit « un panier de soins de qualité et des mécanismes de solidarité en fonction de la rémunération, de la situation de famille et de la génération des bénéficiaires ».

Il couvre deux types de menaces différentes : 

  • les risques de prévoyance, qui correspondent aux risques d’incapacité de travail, d’invalidité, de décès et de perte d’autonomie ;
  • et les risques de santé, c’est-à-dire ceux d’atteinte à l’intégrité physique ou psychique, ainsi qu’à la maternité.

Le financement

Les ministères participeront au financement du nouveau régime de la PSC en prenant en charge, pour les bénéficiaires actifs, 50 % de la cotisation au socle interministériel de garanties et 50 % de la cotisation aux garanties optionnelles, dans la limite de 5 €. Concernant le socle interministériel de garanties du régime complémentaire de prévoyance, leur participation s’élèvera à 7 €.  

5. Quels sont les agents concernés ?

L’adhésion au régime collectif de santé est obligatoire. Toutefois, sous certaines conditions et sur présentation des justificatifs, une dispense d’adhésion peut être acceptée par l’employeur. L’adhésion sera facultative pour l’assurance prévoyance. 

Tous les agents, leurs ayants droit et les retraités sont concernés par la réforme. Du côté de l’enseignement supérieur, l’accord couvre les personnels des : 

  • établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (universités, grands établissements, écoles normales, écoles françaises à l’étranger, communautés d’universités et d’établissements, établissements publics expérimentaux….) ;
  • les établissements publics exerçant des missions d’enseignement supérieur sous tutelle du MESR (écoles nationales d’ingénieurs, instituts d’études politiques…) ;
  • le Centre national et centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires ;
  • les établissements publics à caractère scientifique et technologique ;
  • et les établissements publics industriels et commerciaux et groupements d’intérêt public rattachés au MESR (Agence nationale de la recherche, Hcéres….).

6. Quelles sont les réactions ? 

 Morgane Verviers est secrétaire générale de l’Unsa Éducation depuis le 26 mars. - © LinkedIn
Morgane Verviers est secrétaire générale de l’Unsa Éducation depuis le 26 mars. - © LinkedIn

« Les garanties de santé couvrent les frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident non imputable au service et restant à la charge de l’agent après le remboursement de la part versée par son régime de base de sécurité sociale ainsi que, le cas échéant, des frais non remboursés par ce régime », précise le document.

Si le Sgen-CFDT pointe quelques désaccords « sur l’architecture proposée avec une option 1 très insuffisante », le syndicat salue néanmoins « une avancée sociale majeure puisque chaque agent de nos ministères bénéficiera désormais d’une couverture sociale complémentaire obligatoire, même minimale (socle sans option) et d’une possibilité d’accompagnement social pour ses frais de santé le cas échéant ».

D’après Morgane Verviers, la secrétaire générale de l’Unsa Éducation, « cet accord négocié ne résout pas le problème de l’accès aux soins, mais il permettra aux personnels de bénéficier d’une bonne protection de santé accessible grâce à une prise en charge correcte de leur employeur. »