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Premier lifting pour la loi sur la recherche

Par Théo Haberbusch | Le | Personnels et statuts

Les premiers textes modifiant des dispositions de la loi pour la recherche sont sur le point de paraître. Un chantier de « simplification » prioritaire pour la nouvelle ministre Sylvie Retailleau. Régime indemnitaire, repyramidage, chaires de professeur junior et carrières des ITRF sont concernés. Les doctorants ne sont pas oubliés.

Le pavillon Boncourt du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche - © Remi Mathis
Le pavillon Boncourt du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche - © Remi Mathis

Les grands principes et outils de la loi de programmation sur la recherche (LPR) de Frédérique Vidal ne sont pas remis en question par la nouvelle ministre, Sylvie Retailleau. L’ancienne présidente d’université se débat même pour que l’échéancier financier ne souffre pas de l’inflation ni des conséquences de la hausse du point d’indice de la fonction publique. Ainsi, le budget 2023, en cours de discussion au Parlement, prévoit 350 millions d’euros supplémentaires au titre de la LPR.

Simplification à tous les étages

En revanche, Sylvie Retailleau opte pour la « simplification ». Plusieurs dispositifs liés aux carrières ont en effet tourné au casse-tête dans leur mise en œuvre. Trois d’entre eux ont particulièrement éprouvé les services RH des universités et écoles publiques : le repyramidage, c’est-à-dire la promotion de maîtres de conférences en professeurs d’université ; le nouveau régime de primes des enseignants-chercheurs (Ripec) et les chaires de professeur junior (CPJ).

« Nous avons rencontré depuis un peu plus d’un an des difficultés, avec des textes complexes et une vision très centralisée », résumait pudiquement Virginie Dupont, vice-présidente de France Universités, lors d’une conférence de presse fin septembre.

Un départ lourd de sens

Le principal artisan des textes RH de la LPR, Pierre Coural, chargé des personnels enseignants à la direction des ressources humaines du ministère, a d’ailleurs été discrètement remercié en octobre. Cet ancien DRH du CNRS avait pourtant été reconduit pour cinq ans dans ses fonctions en mars dernier…

Reconnu comme un très bon technicien, il lui a été reproché d’avoir pris trop d’initiatives à caractère politique, négligé le dialogue social et ainsi contrarié bon nombre de présidents d’université. La nouvelle ministre et son cabinet souhaitant renouveler la méthode, son départ fait figure de symbole. 

Pierre Mutzenhardt est conseiller de Sylvie Retailleau en charge de la LPR. - © C. Poirel
Pierre Mutzenhardt est conseiller de Sylvie Retailleau en charge de la LPR. - © C. Poirel

Autre symbole. Pierre Mutzenhardt, ancien président de l’Université de Lorraine et désormais conseiller de Sylvie Retailleau, en charge de la LPR et de la simplification, a participé au comité technique ministériel (CTMESR) qui a examiné les premières modifications à la LPR. Une présence « active » saluée par le SNPTES (Unsa), car elle a permis de « justifier les arbitrages »

Il s’agit à ce stade des changements les plus « faciles », car ne nécessitant pas de relancer des consultations ni de passer par le Conseil d’État. Mais Sylvie Retailleau a déjà prévenu qu’elle n’en resterait pas là. Elle compte s’appuyer sur un bilan plus complet de la loi avant de faire des propositions d’ici à la fin de l’année.

Le « repyramidage » des maîtres de conférences

La LPR crée une voie temporaire d’accès au corps des professeurs des universités et aux corps assimilés : entre 2021 et 2025, quelque 2000 maîtres de conférences doivent en profiter. 

La procédure imaginée initialement faisait intervenir le conseil académique (CAC) qui examinait les dossiers puis les transmettait à la section compétente du Conseil national des universités (CNU). Les deux avis du CAC et du CNU étaient ensuite adressés au chef d’établissement pour décision.

Un aller-retour facteur de ralentissement qui va disparaître : selon le projet de décret soumis au CTMESR, le CNU interviendra en premier, puis les établissements constitueront un ou des comités de promotion chargés de rendre un avis. La dernière phase d’audition sera également menée au niveau du comité de promotion.

D’autres mesures sont prévues :

  • La suppression de la proportion de trois quarts de nominations de maîtres de conférences du deuxième grade et d’un quart du premier grade.
  • La prise en compte de l’ancienneté dans les corps assimilés aux maîtres de conférences.

Les syndicats se sont majoritairement abstenus sur ce texte, ayant obtenu quelques modifications qui figureront dans le décret lors de sa parution.

Tous les doctorants vont être mieux payés

La LPR portée par Frédérique Vidal, alors ministre, prévoyait une revolarisation des doctorants de 30 % d’ici à 2023 pour porter leur rémunération à 1,5 smic. Une perspective qui ne concernait que les contrats doctoraux nouveaux, au grand dam de plusieurs syndicats et associations. 

Lors d’une audition au Sénat le 19 octobre, Sylvie Retailleau leur a donné raison, annonçant la revalorisation pour l’ensemble des doctorants. Leur salaire va aussi augmenter pour tenir compte de la hausse de 3,5 % du point d’indice de la fonction publique.

Résultat attendu sur la fiche de paie : un salaire brut pour tous les doctorants de 2044 €, à partir du 1er janvier 2023. Un arrêté ministériel doit entériner cette annonce, en janvier. 

Le régime indemnitaire

Second projet de décret examiné par l’instance consultative ministérielle : un décret modifiant le régime indemnitaire des personnels enseignants-chercheurs (Ripec). Rappelons que celui-ci repose sur trois dimensions : 

  • une composante statutaire (dite C1), liée au grade, attribuée automatiquement et qui remplace l’ancienne prime de recherche et d’enseignement supérieur ;
  • une composante fonctionnelle (C2), liée à l’exercice de certaines fonctions ou responsabilités (remplace les anciennes primes pour charges administratives ou de responsabilité pédagogique) ;
  • une composante individuelle (C3), attribuée par le chef d’établissement sur la base d’une évaluation de la qualité des activités de l’enseignant-chercheur, appréciée entre autres à la suite d’avis donnés par le conseil académique et la section du CNU.

Comme pour le repyramidage, l’avis de CNU pour la C3 sera désormais rendu avant celui du CAC. « Il n’y a plus de motif à fournir pour demander la prime individuelle et la réponse doit préciser le ou les motifs d’attribution dans une liste qui renvoie aux missions de l’ESR et d’intérêt collectif », précise Christophe Bonnet du Sgen-CFDT.

Le texte supprime le délai de carence au titre duquel le bénéfice d’une nouvelle prime individuelle ne pouvait pas être octroyé avant un délai d’un an suivant le terme de la première période d’attribution.

Il ouvre aux agents percevant le bénéfice de la part fonctionnelle la possibilité de convertir, pour tout ou partie, cette part en décharge de service d’enseignement.

Le nouveau texte a été salué par France Universités. Lors du CTMESR, il a recueilli 5 voix pour (SNPTES, Unsa), 3 abstentions (Sgen-CFDT) et 7 voix contre (CGT, FSU, Sud, FO).

Chaires de professeurs junior : plusieurs candidats seront retenus

Les chaires de professeur junior (CPJ) ont été le « chiffon rouge » de la LPR, car permettant de recruter des professeurs d’université « stars » par une voie parallèle. Mais les établissements s’en saisissent finalement dans leur majorité et le débat semble retombé. C’est surtout la mise en place qui s’avère longue et fastidieuse. 

« Parfois vous avez un seul candidat et puis, tout compte fait, il ne vient pas, et cela remet complètement à plat la procédure », décrit Virginie Dupont, de France Universités. Le projet de décret soumis au CTMESR et à paraître prochainement répond à cet enjeu : les établissements pourront classer jusqu’à trois candidats…et ainsi retomber sur leurs pieds si certains se désistent.

France Universités souhaitait aussi que les contingents de chaires alloués soient pluriannuels, pour laisser aux établissements le temps de constituer un vivier de candidats. Un vœu exaucé par une circulaire parue au cours de l’été. 

Enfin, la rémunération proposée à l’issue du contrat temporaire que constitue la CPJ ne serait pas non plus assez attractive. « Nous voulons avoir la possibilité de rémunérer les titulaires de ces chaires, au moment où ils deviennent titulaires, à un niveau qui soit au-dessus du professeur de deuxième classe », ajoute celle qui préside l’Université Bretagne Sud. Ce point, nettement plus politique, n’est pas encore officiellement tranché.

Les carrières des ITRF

Les ingénieurs et personnels techniques de recherche et de formation (ITRF) verront leurs statuts, grades et échelonnements indiciaires évoluer

Le projet de décret les concernant prévoit de fusionner les deux premiers grades des corps des ingénieurs de recherche en un grade unique intitulé « ingénieur de recherche », comportant dix échelons, de l’indice brut 541 (1er échelon) à l’indice brut 1027 (10e échelon).

Dans ce nouveau grade, les cadences d’avancement d’échelon sont modifiées afin de favoriser la progression de carrière des ingénieurs de recherche et des ingénieurs d’études hors classe accédant au corps des ingénieurs de recherche.

Le texte modifie les missions des ingénieurs de recherche afin de mieux prendre en compte les fonctions d’encadrement supérieur qu’ils exercent d’ores et déjà.

En matière de recrutement, le niveau de diplôme exigé des candidats aux concours externes est fixé au niveau 7 du cadre national des certifications professionnelles.

Un autre projet de décret présenté au même CTMESR détaille l’échelonnement indiciaire pour les ingénieurs de recherche et les ingénieurs d’études.