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Revalorisation des Esas : les enseignants du secondaire déçus des annonces de la ministre

Par Isabelle Cormaty | Le | Personnels et statuts

Après les annonces concernant l’augmentation de la prime d’enseignement supérieur et différentes mesures de revalorisation pour les enseignants du secondaire affectés dans le supérieur, ces derniers expriment leur déception et s’estiment incompris du ministère.

Le Collectif 384 a organisé une journée de mobilisation, le 11 septembre. - © Dom Fou (Unsplash)
Le Collectif 384 a organisé une journée de mobilisation, le 11 septembre. - © Dom Fou (Unsplash)

Déçus et incompris. Tels sont les termes utilisés par les enseignants du second degré affectés dans l’enseignement supérieur (Esas) pour réagir aux différentes mesures de revalorisation présentées par Sylvie Retailleau, le 7 septembre.

Dans une interview à Campus Matin et News Tank, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche annonçait pour ces 12 000 enseignants :

  • la mise en place d’un référentiel d’activité pédagogique au niveau national ;
  • le doublement du plafond de la prime pour responsabilité pédagogique qui passera à 192 h ;
  • une reconnaissance équivalente à celles des enseignants-chercheurs lorsqu’ils exercent des fonctions de direction ;
  • et la revalorisation de la Prime d’enseignement supérieur (PES) portée de 2 785€ au 1er septembre à 4 200€ en 2027. 

« La ministre n’a pas compris le sens du mouvement des Esas »

« Nous n’avions pas demandé ces mesures, nous voulons un alignement de la PES sur la composante 1 (C1) du nouveau régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs (Ripec). Nous avons vus ces annonces comme un manque de reconnaissance, parce que nous n’avons pas de doctorat », réagit Nathalie Brossier, professeure agrégée en économie-gestion à l'Université d’Orléans.

« Nous avions la même prime que les enseignants-chercheurs avant la mise en place du Ripec. Remettre en cause cette équité donne le signal que l’enseignement ne vaut pas grand-chose face à la recherche », complète l’enseignante, relais du Collectif 384 dans son établissement. 

Pour Frédéric Desaint, enseignant dans le département carrières juridiques de l'IUT de Rouen, « la ministre n’a pas compris le sens du mouvement des Esas. C’est humiliant d’avoir les mêmes primes que les enseignants-chercheurs pendant 30 ans, puis de se retrouver avec la moitié du jour au lendemain. Il ne s’agit pas seulement d’une histoire d’argent, nous ne voulons pas que des enseignants soient plus importants que d’autres. »

Le Collectif 384 qui regroupe depuis 2021 plus d’un millier d’Esas, qu’ils soient professeurs agrégés (Prag), professeurs certifiés (PRCE) ou professeur de lycée professionnel (PLP), a également réagi en ce sens. 

« Chercher à nous maintenir dans un ancien système indemnitaire tandis que les enseignants-chercheurs entrent dans une nouvelle donne est particulièrement clivant, et tend plutôt à montrer que nous n’appartenons pas au même monde », déclare-t-il dans un communiqué publié le 8 septembre.

Une déception forte dans les filières avec beaucoup d’Esas

Pour les enseignants en Staps, en IUT ou en écoles d’ingénieurs, la proportion d’Esas dans les effectifs enseignants est plus forte et la déception encore plus grande, comme en témoigne Valérie Derrien, enseignante agrégée du département humanités à l'Insa de Rennes

« 25 % de l’offre de formation de la première à la cinquième année de l’école d’ingénieurs se composent d’humanités. Je crée mon programme de A à Z, en lien avec la Commission des titres d’ingénieur (CTI), je participe à des colloques sur la pédagogie, j’ai des responsabilités administratives… Dommage d’oublier que nous faisons preuve d’agilité dans nos établissements. » 

Les réactions syndicales

De son côté, le Syndicat général de l’éducation nationale (Sgen-CFDT) « reconnaît l’effort financier annoncé sur la PES et salue l’effort de dialogue des représentants du ministère au sein du groupe de travail ». Il continue cependant à demander l’accès au Ripec et à un référentiel horaire permettant d’intégrer dans le service statutaire les heures de responsabilité, pour tous les Esas.

Sup’Recherche-Unsa partage également cette revendication : « Nos collègues Esas ne peuvent être réduits à leurs 384 heures d’enseignement et doivent être reconnus et respectés pour l’ensemble des missions qu’ils accomplissent ! »

Une journée de mobilisation le 11 septembre

Pour signifier son opposition aux mesures présentées par la ministre, le Collectif 384 a maintenu son appel à la mobilisation pour la journée du 11 septembre. Dans plusieurs établissements du supérieur, des Esas se sont donc réunis de manière symbolique, pancartes à la main. 

« J’ai fait grève le 11 septembre, comme pas mal de mes collègues. Beaucoup d’étudiants d’IUT et de Staps nous ont soutenu, ils ont compris que le maintien du service public dans l’ESR est en jeu », avance Frédéric Desaint, relais du Collectif 384 à l'IUT de Rouen

Des démissions des tâches collectives

Comme incités fin mars par le Collectif, des enseignants du second degré ont également démissionné de leurs responsabilités collectives, qui s’ajoutent aux 384 heures d’enseignement prévues dans leur statut. 

« Je n’ai pas fait grève, mais j’étais responsable de Parcoursup et j’ai démissionné de cette tâche administrative. Pour l’instant, personne n’a repris cette mission », raconte Nathalie Brossier.

« Dans mon département, deux Prag sont partis récemment. Un professeur des universités a récupéré la chefferie de département, mais il n’a trouvé personne pour reprendre la direction des études et les première et deuxième années », poursuit celle qui figurait sur la liste du Collectif 384 pour les élections au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser).

Même constat pour Frédéric Desaint à l’IUT de Rouen. Il a lui aussi démissionné de ses missions de responsable de l’alternance, sans qu’elles ne soient reprises par un enseignant-chercheur.