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Premiers succès politiques pour les enseignants du secondaire affectés dans le supérieur

Par Théo Haberbusch | Le | Personnels et statuts

Les enseignants du secondaire affectés dans le supérieur, regroupés en collectif depuis 2021, ont remporté deux sièges lors des élections au Cneser et obtenu une accélération de leur prime, la PES. Mais la place de ces personnels et leur reconnaissance dans les établissements ne sont pas encore réglés.

Les enseignants du secondaires affectés dans le supérieur sont environ 13 000 (Prag, PRCE…) - © CPU - Université Bretagne Sud
Les enseignants du secondaires affectés dans le supérieur sont environ 13 000 (Prag, PRCE…) - © CPU - Université Bretagne Sud

Les enseignants du secondaire affectés dans le supérieur (Esas) s’en contenteront-ils ? À l’approche de l’été, ils viennent d’obtenir une revalorisation accélérée de la Prime d’enseignement supérieur (PES). Elle passera à la rentrée à 2 785 € (contre 2 308 € en 2023). Une annonce faite par Sylvie Retailleau, ministre en charge du supérieur et de la recherche, lors de la dernière réunion du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) le 4 juillet.

Une façon pour l’État d’essayer de contenir la colère de ces quelque 13 000 personnels (Prag, PRCE…), indispensables au bon fonctionnement de certaines composantes. La raison officielle de leur courroux : ils ne sont pas éligibles au nouveau système de primes, le Ripec, instauré à la suite de la Loi de programmation pour la recherche (LPR) pour les seuls enseignants-chercheurs. 

Un décrochage des rémunérations

Avant la LPR, la PES était commune aux Esas et aux enseignants-chercheurs. Elle était fixée à 1 200 €. Mais avec l’application du Ripec, le fossé s’est creusé. Selon le bilan du ministère présenté par News Tank (abonnés), la composante statutaire dite C1, versée automatiquement, est passée en moyenne de 1 239 € en 2020 à 2 707 € en 2022 (+118 %). 

Dans le même temps, la PES devrait atteindre 3 200 euros en 2027, à comparer aux 6 400 € de la C1 à la même échéance.

Comme vous l’expliquait Campus Matin en mars dernier, le Collectif 384 représentant les Esas s’est constitué dès 2021 pour réclamer l’intégration au Ripec. Au-delà des rémunérations, la motivation est aussi symbolique. Il s’agit pour les intéressés de ne pas être considérés comme une sous-catégorie dans la population universitaire. 

Au printemps 2022, les Esas engrangent les soutiens, notamment de la part des établissements où ils sont devenus indispensables : IUT, Instituts nationaux supérieurs du professorat, écoles d’ingénieurs…

La menace de démission administrative est prise très au sérieux, y compris par les présidents d’université. Leur association, France Universités, appelant en mai à accélérer la hausse de la PES.

Deux élus au Cneser et un poids politique nouveau

Le coup de maître du Collectif 384, qui revendique 1 500 membres, intervient en juin avec les élections au Cneser. Malgré son absence d’expérience, il décroche deux sièges dans le collège des maîtres de conférences au Cneser, gagnant ainsi une représentativité nationale. Et éjectant an passage le Sage, le syndicat des agrégés qui perd son seul représentant. 

« Nous avons fait un résultat “fantastique” de l’avis d’autres organisations syndicales. En effet, nous n’avions pas l’expérience, pas les outils, et nous sommes arrivés en deuxième position au niveau national (et premier dans de nombreuses universités) sur le collège B, sans avoir fait une campagne comme les autres. Cela nous a surpris nous-mêmes, car nous avions du mal à faire passer nos messages et contacter nos collègues », déclare Thierry Vincent, membre du collectif et enseignant à l’IUT de Valence.

Surfant sur ce résultat et déçus de ne toujours pas avoir été reçus par Sylvie Retailleau en personne, le collectif annonçait une journée de mobilisation à la rentrée. Malgré l’annonce de rallonge de la ministre : le projet est maintenu et la date fixée au 11 septembre. 

Des divergences selon les acteurs

Et maintenant ? Le ministère assure que la revalorisation de la PES n’est qu’une étape : « L’objectif final est de définir un cadre rénové d’exercice des enseignants dans le supérieur. »

Mais la bataille politique n’est pas terminée. Au-delà de la nécessaire reconnaissance de ces enseignants qui fait consensus, la manière d’y parvenir diverge selon les organisations.

Ainsi, quand la Conférence des directeurs d’écoles d’ingénieurs (Cdefi), l’Unsa ou le Sgen-CFDT appellent à les intégrer au Ripec, France Universités juge qu’il faut augmenter la PES - le Ripec visant à ce que les enseignants-chercheurs fassent davantage de recherche - et envisage la création d’un statut propre. Le Snesup-FSU au contraire ne veut pas entendre parler de la création d’un nouveau corps. 

Une absence historique de ligne politique claire

Si les positions ne sont pas encore mûres, c’est aussi que le sujet est récent à l’échelle des temps universitaires. Dans son premier rapport sur la thématique des Esas (en 2015 seulement), l’inspection générale soulignait une absence de réflexion globale :

« La première constatation, sans doute la plus frappante, est la distorsion qui existe entre la part considérable prise depuis 30 ans par les enseignants du second degré dans le fonctionnement pédagogique et administratif des établissements d’enseignement supérieur et l’absence de réflexion globale, tant au niveau national que dans les établissements, sur l’apport de ces enseignants et la place qu’ils occupent. »

Et d’ajouter que « quasiment aucun des interlocuteurs rencontrés par la mission n’a exprimé une ligne politique claire sur la place qui devrait être faite aux enseignants du second degré »

Déjà à l’époque les inspecteurs notaient « l’insuffisante prise en compte des spécificités de l’enseignement supérieur dans le déroulement de la carrière de ces personnels ». Tout en saluant « la bonne intégration des enseignants du second degré et leur investissement dans le fonctionnement des établissements ».

Une contradiction qui éclate aux yeux de tous parce que la LPR a ignoré les enjeux liés à la formation en se concentrant sur la recherche. 

Concepts clés et définitions : #Cneser ou Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche