Hospitalo-universitaires : comme une envie de tout plaquer
Par La Rédaction | Le | Personnels et statuts
Une enquête menée auprès des hospitalo-universitaires documente les motifs de désaffection de ces personnels pour l’hôpital et les raisons qui pourraient les pousser à partir. La professeure en gestion des ressources humaines à l’EM Normandie, Sarah Alves, analyse dans une tribune pour Campus Matin les principaux résultats de ce baromètre.
En février dernier, nous alertions l’opinion sur le phénomène de départ volontaire des hospitalo-universitaires (HU). Les derniers chiffres du Centre national de gestion du 1er janvier 2023 confirment la tendance que nous avions constatée. Entre 2016 et 2023, les demandes de disponibilités ont augmenté de +95,5 % et l’évolution entre 2022 et 2023 démontre une accélération du phénomène.
Dans ce contexte, nous avons conduit une enquête, Baromètre HU, à l’automne 2023 auprès de 838 HU (soit 13 % de la population active totale), de façon à mieux comprendre les motifs d’une telle désaffection. Elle révèle que ce sont les processus au niveau local et le salaire qui sont les principales sources de mécontentement.
Les moteurs de l’engagement des hospitalos-universitaires
Cette seconde enquête visait à mesurer les intentions de départ et ses principaux antécédents que sont la satisfaction et l’engagement au travail. Les résultats préliminaires montrent que les HU sont très engagés envers l’hôpital public, en tant qu’institution de service public.
Ici, les HU démontrent de leur attachement à servir l’intérêt général et la population française. Ils expriment un fort sentiment d’appartenance et quitter ce système public serait difficile.
De pair avec ce constat, les HU sont également fortement attachés à leur rôle de soignants couplé à leur rôle d’universitaires, ainsi qu’à la qualité des soins dispensés dans leur établissement.
Les motifs de la désaffection
Statutairement, les HU ont une double appartenance institutionnelle (l’université et l’hôpital). Conformément à cela, les répondants se sentent autant H que U (68,4 %).
Pourtant, ils passent la majorité de leur temps dans leur institution de soins (78 % des répondants). Or, c’est dans cet environnement de travail que les choses semblent se passer dans la mécanique explorée.
En effet, à l’échelle locale, les HU estiment que leur établissement actuel n’est pas un lieu où il fait bon travailler car il n’incite pas à donner le meilleur de soi. Un écart de valeurs est également regretté ; la course à la financiarisation des établissements publics de santé pouvant expliquer cette dernière remarque. Quatre facteurs d’insatisfaction au travail ressortent de l’enquête :
- les conditions de travail ;
- la manière dont les règles et les procédures sont appliquées en interne ;
- le salaire ;
- et le manque de reconnaissance (compliments reçus).
En désaccord avec les politiques de gestion RH
Par conséquent, les HU sont souvent en désaccord avec les politiques de gestion des RH en place et ils rêvent d’obtenir un poste qui corresponde mieux à leurs besoins personnels. Malgré leur loyauté, ils sont prêts à travailler dans une structure similaire dès maintenant ; ils ne ressentent pas d’obligation à rester.
Plus inquiétant encore pour la profession, la satisfaction au travail et l’engagement sont corrélés avec l’ancienneté : plus la nomination dans le statut de HU est récente, moins la satisfaction et l‘engagement sont élevés.
En conséquence de quoi, les plus jeunes montrent des signes de départ plus prégnants que leurs aînés et envisageraient plus facilement d’aller exercer dans un établissement privé de soins ou du moins en dehors d’un service hospitalier.
Des intentions de départ latentes mais réelles
Cette enquête montre donc que des signaux faibles mais réels d’intention de départ volontaire des HU existent. Les conditions de travail et les processus de management comme de gestion des ressources humaines sont centraux pour expliquer ce phénomène.
La problématique du calcul des retraites
Le salaire est également est un sujet épineux. La vraie problématique ici se trouve probablement dans le calcul des retraites qui est actuellement en débat dans nos assemblées parlementaires. Jusqu’à présent, la retraite des HU est établie sur le seul salaire universitaire.
Dit autrement, un retraité HU, qui a travaillé l’équivalent de 10 heures par jour (selon l’enquête Happy HU de 2021), est considéré avoir effectué une carrière à mi-temps et touche une pension de retraite équivalente à ce mi-temps.
C’est donc un vrai sujet de mécontentement des HU, qui pourrait être vécue comme une injustice en comparaison avec les travailleurs français.
Un enjeu de santé public
La financiarisation et l’informatisation accrue des hôpitaux a été la cause de nombreuses difficultés dans les années 2010 dans les hôpitaux publics français. Baromètre HU montre que des difficultés plus locales sont également de mises.
Or, étant donné le rôle crucial des HU dans les soins médicaux, la formation et la recherche, notre enquête est révélatrice d’une perma-crise au sein de notre système de santé et souligne l’existence d’un enjeu de santé publique.