« Je suis tout sauf une technologie » : l’interview décalée de Caroline Maitrot-Feugeas

Dirigeante de Nomad Education, edtech qui propose une application de révision gratuite pour les élèves et étudiants francophones, Caroline Maitrot-Feugeas se dévoile différemment dans l’entretien d’été de Campus Matin.

Une personnalité inspirante pour vous ? 

Caroline Maitrot-Feugeas : Elles sont deux. Mes parents : mon papa, 82 ans, toujours alerte, toujours perché sur son vélo malgré le dénivelé corrézien. Je ne l’ai jamais entendu se plaindre, il raconte sa vie avec bonheur, il dépeint le travail comme une chance… Sur les toits dès l’âge de 9 ans, puis le CAP couvreur, les terrains de rugby comme école de la vie, le pilier de ma vie. Il m’a transmis son énergie, son amour de la vie, sa passion de sa terre, de la nature et des Hommes…

Cela ne dépendait que de moi et de personne d’autre.

Ma maman, esprit de famille chevillé au corps, faisant toujours passer l’autre avant elle-même. Elle qui n’avait que son certificat d’études en poche, a mis toute son énergie à m’ouvrir au monde, des livres partout, des encyclopédies sur l’art, la médecine, des heures de piano, le tennis, le volley. Elle m’a inculqué l’exigence, le respect pour les autres et pour soi-même. Dans leurs yeux, tout était possible… Cela ne dépendait que de moi et de personne d’autre.

Si vous étiez un établissement, vous seriez ? 

Je ne serai pas un établissement, je serai une cour de récréation. À l’heure du e-learning et du télétravail, je suis une amoureuse de l’école comme lieu. Au-delà de la transmission du savoir, c’est un endroit où l’on se rencontre, où l’on grandit ensemble, où l’on se fait les amis d’une vie, où l’on tombe amoureux…

La cour, ce sont les rires, les ballons, les courses endiablées, un lieu où l’on se rappelle qu’en plus d’une tête, nous avons un corps, que l’enfance doit permettre d’apprivoiser. Ma tête reste pleine de parties de billes, d’élastique, de batailles de boules de neige, de 1,2,3 soleil ou de marelles. Jouer c’est grandir…  

Si vous étiez une technologie ? 

La téléportation ? Être avec les gens qu’on aime quand on veut où l’on veut (jusqu’au ciel quand ils ne sont plus là…), découvrir d’autres cultures sans nuire à la planète, démultiplier les belles rencontres, aller dans le passé pour ne pas refaire les mêmes erreurs, se projeter dans un avenir radieux…

Je suis tout sauf une technologie !

,Mais cette simplicité enlèverait sans doute l’essence même du bonheur, la langueur du voyage, l’exception d’une rencontre, le rêve d’un futur paisible, la douceur de la nostalgie… La technologie est un moyen pas une fin. Chez Nomad Education, elle doit favoriser l’accès au savoir, le plaisir d’apprendre et la soif de vivre ensemble. Et aucun doute, je suis tout sauf une technologie !

L’innovation digitale de l’année  ? 

ChatGPT d’OpenAI est une révolution, car l’intelligence artificielle s’ouvre au grand public. Cela me rend curieuse plus qu’anxieuse… À nous de la dompter pour en faire une opportunité.

Chez Nomad Education, nous allons utiliser cette innovation pour enrichir nos parcours, lutter davantage contre le décrochage et déscolarisation, coacher les jeunes, redorer l’image des maths, engager les femmes dans les carrières scientifiques… Mais surtout, nous allons apprendre à nos deux millions de membres à l’apprivoiser.  

Un mot, une expression que vous ne voulez plus entendre ? 

Faisons rêver les jeunes filles !

« Du coup » ? Non, je plaisante ! Ce serait sans doute sur les femmes : « Vraiment difficile d’être une femme ». Je ne sais pas si répéter cela sans cesse fait avancer les choses… Et si nous essayions : « C’est fantastique d’être une femme en France en 2023, tout est possible, à nous de jouer ! » ? Jouons les rôles modèles, faisons rêver les jeunes filles, parlons-leur de champs des possibles…

En tout cas, le combat peut être mené par des angles différents. Stop aux injonctions, les femmes ne sont pas UNE, elles sont plurielles, dans leurs pensées, leurs envies, leur vision… Laissons-les toutes s’exprimer !

La phrase que vous vous répétez devant votre miroir ?

Des phrases motivantes, je me les répète surtout pendant mes longues sorties de running, musique à fond dans les oreilles : « Rien ne peut t’arrêter ! » Quand je pars, je ne suis pas toujours convaincue, quand je rentre je peux soulever des montagnes. Mon miroir, décennie après décennie, je le réhausse d’une lumière de plus en plus douce, pour être plus indulgente avec moi-même et le temps qui passe…  

Une lecture, un visionnage ou une écoute à conseiller ?

C’est magique quand nous amenons l’école là où elle n’est pas.

Le documentaire « Les chemins de l’École » (diffusé sur France 5 et disponible sur la chaine en ligne Lumni, NDLR). À cheval, à dos d’âne, à vélo, sur l’eau ou à pied, sous la canicule ou dans un froid glacial, des enfants des quatre coins du monde vivent une véritable aventure pour accéder au savoir. Pour moi, c’est magique, le sens même de la mission de Nomad Education, quand nous amenons l’école là où elle n’est pas…

Petite, mes grands-mères me racontaient les longues marches de plusieurs kilomètres pour aller à l’école… Aujourd’hui, nous sommes présents dans 29 pays d’Afrique, ce documentaire me revient souvent en mémoire, il me donne l’énergie nécessaire quand c’est difficile. Je l’ai regardé avec mes enfants, car il est essentiel qu’ils comprennent leur chance d’être né en France. L’école est un droit que tous les enfants n’ont pas… Beaucoup encore se battent pour accéder au savoir.

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