Déménager ses serveurs vers un datacenter mutualisé, un choix rationnel et écologique ?
Par Isabelle Cormaty | Le | Équipements et systèmes d'informations
Quels sont les avantages de la mutualisation des data centers entre institutions publiques de l’ESR ? L’Université Rennes 2 a déménagé en septembre ses serveurs dans un centre régional mutualisé et partage son expérience. Celle-ci s’inscrit dans la stratégie du ministère pour mutualiser les infrastructures numériques via la labellisation de data centers.
Finis les serveurs au sein du campus ! Depuis le 19 septembre, l’Université de Rennes 2 a délocalisé ceux de son site de Villejean dans le data center mutualisé du groupement d’intérêt public régional (GIP) Eskemm numérique, ouvert au début de l’année 2024.
Un déménagement après quasiment sept années de réflexions et de préparation. Le point de départ du projet remonte en effet au mois d’avril 2017, quand la ville de Rennes connaît un épisode « surprise » de canicule…
« Les serveurs sont très sensibles à la chaleur, c’est pourquoi ils nécessitent l’utilisation d’une climatisation. Mais pour notre data center situé sur le campus de Villejean, juste sous les toits, ce n’était pas suffisant, et nous avons dû l’arrêter en urgence. Cela a duré deux jours pendant lesquels le fonctionnement de l’université a été stoppé, car le numérique est partout », raconte Arnaud Saint-Georges, directeur du système d’information (DSI) de l’établissement.
Un déménagement après plusieurs années de préparation
L’établissement, qui avait déjà externalisé un autre data center en 2016 sur le campus de Beaulieu dans un data center mutualisé de l’Université de Rennes, cherche cette fois une solution en interne en modifiant ses installations. « Des travaux ont été faits, mais cela n’a pas suffi à améliorer la situation », complète Yann André, chargé du projet au sein de la DSI.
Après consultation de plusieurs opérateurs rennais pour connaître les conditions et les tarifs, l’Université de Rennes 2 se joint au projet d’Eskemm numérique, installé à Cesson-Sévigné, à 10 kilomètres de Villejean.
Plusieurs établissements publics du supérieur de la Région Bretagne y prennent aussi part, comme les universités de Bretagne occidentale et de Bretagne Sud, l’Insa Rennes ou encore Sciences Po Rennes.
« Pour externaliser un data center, il y a tout un travail préparatoire. Il s’agit notamment de réaliser des travaux réseau (fibre optique) à travers la ville de Rennes, ce qui demande du temps. Cela a démarré en 2018 jusqu’en 2021, car nous devions gérer cela en parallèle de tous les autres projets portés par la DSI de l’université. Puis, une fois l’accord du comité de pilotage, il fallait encore deux ou trois ans pour réaliser les travaux », retrace Yann André.
Des compétences RH spécifiques pour gérer un datacenter
Le déménagement des serveurs a également été motivé par des raisons RH. « Gérer un data center est un métier en soi, en termes de maintenance électrique, de climatisation, de sécurisation. Or, à l’université, nous n’avions plus les ressources pour le gérer comme il faut », constate le chargé du projet au sein de la DSI. Et la virtualisation des postes de travail n’impose plus à l’université de conserver ses serveurs sur son campus.
« Tout peut se faire à distance, et nous allons sur place en moyenne une fois par mois. Nous pouvons même éteindre nos matériels à distance », ajoute Arnaud Saint-Georges.
Si Eskemm propose divers services clés en main pour ses membres, l’Université de Rennes 2 a fait le choix de conserver la maintenance opérationnelle de ses équipements.
« Nous avions juste besoin de louer une salle nue, de bénéficier des fluides (électricité, climatisation) et de la sécurité. Nous avons des baies [NDLR : barres de stockage de données] dédiées, dont nous sommes les seuls à avoir les codes d’accès. Nous considérons donc qu’elles sont sécurisées autant que si elles étaient sur le campus. Nous restons maîtres de nos infrastructures », assure Yann André.
La hausse des besoins de stockage anticipée
L’Université de Rennes 2 dispose au sein du data center régional de deux baies pour ses 500 serveurs. Ces dernières peuvent aller jusqu’à 1000 serveurs (à équipement constant).
« Plus on avance en matière de technologie, et moins les équipements sont volumineux. Dans la salle que nous avons quittée à Villejean, une baie de 30 To prenait une armoire ; désormais une baie de 100 To fait 20 centimètres de haut. Cela nous permet de réduire fortement notre emprise, tout en gardant une marge pour des besoins futurs que nous anticipons forcément à la hausse, du fait de la numérisation des activités, du télétravail », cite ainsi Yann André.
La mutualisation, un choix rationnel et écologique
Financièrement, l’opération est neutre pour l’établissement qui a géré en interne la migration des données tandis que le GIP, financé par la région, s’est chargé des investissements bâtimentaires. L’université paie un loyer au GIP Eskemm numérique pour l’hébergement des serveurs.
« C’est compensé par les économies que nous faisons en maintenance et sécurité des serveurs. Le coût de construction d’un data center pour Rennes 2 serait de 400 000 €, sans compter les fluides », estime Arnaud Saint-Georges.
« Au-delà des moyens, c’est un soulagement de ne plus avoir cette préoccupation — nous voyions toujours arriver la saison chaude avec beaucoup d’appréhension, et il est arrivé que des équipes aillent sur le toit pour arroser le système de climatisation du data center », se souvient-il.
Le DSI y trouve encore d’autres avantages :« en matière de sécurité aussi, nous avons connu des manifestations à Rennes 2, parfois avec des menaces sur le data center. Enfin, c’est plus rationnel sur le plan environnemental, car c’est mutualisé. »
Des datacenters labellisés par le ministère
L’Université de Rennes 2 a délocalisé ses serveurs dans le data center labellisé par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche en 2020, « ce qui permet à nos laboratoires de bénéficier de cette labellisation et d’être éligibles à certains crédits, précise le DSI de l’établissement. Le fait d’avoir un partenaire public et que le data center soit labellisé par le MESR est source de confiance, car nous avons des données publiques et sensibles. »
Dans le cadre de travaux pour la modernisation des infrastructures et des services numériques de l’ESR, le ministère procède depuis 2017 à des labellisations de data centers régionaux et mutualisés par les différentes institutions de l’ESR. Cette labellisation doit permettre notamment aux structures de prétendre à des financements publics dans le cadre des Contrats de plan État-région.