Des étudiants assistants pédagogiques travaillent aux côtés des enseignants à l’université
Par Marine Dessaux | Le | Pédagogie
Préparer des supports de cours, accompagner une séance de travail en groupe, animer un forum… Les assistants pédagogiques, des étudiants recrutés par leur établissement, accompagnent le travail des enseignants et facilitent le développement de nouvelles modalités d’apprentissage. Une initiative expérimentée à Nantes Université depuis la rentrée 2022.
Depuis septembre, une vingtaine d’étudiants de Nantes Université participent à un dispositif « assez unique au niveau national, qui suscite beaucoup de curiosité », comme le souligne Aurore Deledalle, vice-présidente déléguée à la transformation de l’établissement : ils sont assistants pédagogiques.
Auprès d’un enseignant de leur formation, ils interviennent dans un cours qu’ils ont souvent suivi eux-mêmes, une cinquantaine d’heures par semestre. Ce sont des étudiants en fin de premier voire de second cycle. « Au début, nous pensions à des profils de master, mais en pratique beaucoup sont en licence 3. Ils ont de fait un regard assez frais sur le cours », rapporte Aurore Deledalle.
Leur mission ? Accompagner la transformation pédagogique des cours de licence, dans le cadre du projet NeptUne, financé depuis 2019 par l’appel à projets Nouveaux cursus à l’université (NCU).
Une initiative rapportée dans leur valise par les équipes de Nantes Université après une résidence pédagogique à l’Université Laval, au Canada, en 2022.
Un maillon supplémentaire entre étudiants et enseignant
L’assistant pédagogique se présente comme un soutien à la réussite étudiante. « C’est un relai entre l’enseignant et les étudiants, témoigne Anne-Sophie Varennes, assistante pédagogique et étudiante en master 2 Histoire de l’art et culture matérielle. Certains étaient plus à l’aise pour me poser des questions par mail ou via un forum sur Moodle. L’assistant pédagogique peut aussi plus facilement faire remonter les retours. »
Il intervient également en appui d’animation d’un cours pour des pédagogies actives comme l’organisation de débats. « Un assistant permet de fluidifier les échanges, d’encadrer les travaux en petits groupes. En comodal, il peut se concentrer sur le chat et la technique pendant que l’enseignant continue à parler », énumère Ambre Vilain, maîtresse de conférences en Histoire de l’art médiéval qui a fait l’expérience du dispositif avec Anne-Sophie Varennes.
Enfin, il peut participer à la conception de ressources pédagogiques. « J’ai préparé des capsules de travaux dirigés à partir de recherches documentaires, créé des questionnaires de révision ou encore proposé des présentations avec un format original le “Pecha Kucha” (20 diapositives toutes les 20 secondes pendant 6 min 40) », illustre Anne-Sophie Varenne.
Des missions cadrées par un référentiel d’activité (dans le Guide du tutorat , p.18), présenté en conseil académique. « Le cadre vient légitimer la position donnée à ces étudiants », estime Aurore Deledalle.
Intervenir en complément du mentorat
Le rôle d’assistant pédagogique qui peut sembler proche de celui de tuteur, déjà présent dans les établissements du supérieur, mais se positionne plutôt comme un complément.
Encore plus proche des étudiants, le tuteur accompagne la compréhension et l’approfondissement des notions tout au long du cours. « Il agit en autonomie complète et ne participe pas à la construction pédagogique », distingue Ambre Vilain.
Un dispositif « qui se veut le plus souple possible »
Un contrat étudiant ouvert et flexible : c’est ce qu’ambitionne l’établissement nantais. Dans le cadre de la simplification administrative de l’embauche, tout étudiant recruté peut répartir ses heures librement. Il lui est également possible de cumuler les fonctions (pour les journées portes ouvertes, du mentorat, etc.).
Ainsi, les assistants pédagogiques se mobilisent à des heures différentes chaque semaine, selon leur emploi du temps et les besoins de l’enseignant. Leur contrat est rattaché à une composante et la responsabilité du suivi revient à l’enseignant qui a préalablement adressé sa demande au service central.
Sensibiliser de futurs enseignants
Ce dispositif s’adresse aux étudiants envisageant une carrière dans l’enseignement. « L’objectif est de les sensibiliser à la pédagogie. Quand on souhaite devenir enseignant-chercheur (E-C), on ne fait que des stages recherche, mais cet autre aspect du métier n’est pas approfondi. Cela peut aussi être une expérience intéressante pour les futurs enseignants du secondaire, particulièrement dans un contexte de crise d’attractivité de la fonction », détaille Aurore Deledalle.
Anne-Sophie Varenne raconte avoir ainsi mesurer l’ampleur des missions des E-C. « J’ai pu voir l’envers du décor et découvert des activités que je ne soupçonnais pas », rapporte-t-elle. Une expérience qu’elle souhaiterait réitérer dans le cadre de la thèse, bien qu’elle ne soit pas sûre de vouloir continuer dans l’enseignement.
« C’est peut-être parce que c’était la première fois que j’étais face à une classe, mais, n’étant pas beaucoup plus âgée que les autres étudiants, cela a parfois été compliqué de me sentir légitime. C’est très différent de la recherche où je peux passer toute la journée seule », témoigne-t-elle.
Engager les étudiants
Deuxième objectif : promouvoir l’engagement des étudiants. « Nous avons du mal à les impliquer dans les conseils ou les élections étudiantes, regrette Aurore Deledalle. C’est pourquoi nous voulons changer de mode de relation. Cela commence par les voir comme des utilisateurs en aval et les faire participer à construire leur formation. C’est une manière de les engager, les responsabiliser et d’établir des relations moins verticales avec les enseignants et l’équipe pédagogique. »
Un soutien pour transformer les supports pédagogiques
Alors que se développent les enseignements hybrides, la conception des enseignements devient de plus en plus chronophage. C’est là qu’interviennent les assistants pédagogiques. Ambre Vilain a souhaité transformer un cours de licence 2 en y intégrant une partie de travail en distanciel. Les séances sont en présentiel et sont ainsi plus dynamiques : mises en situation, débats, jeu de rôle, exposé…
Un moteur de perfectionnement
« Avoir une étudiante sous ma direction a été un vrai avantage, estime-t-elle. Ayant déjà suivi ce cours, ses retours ont permis de prendre de la hauteur. Même si ce n’est pas toujours facile de laisser de la place à quelqu’un d’autre dans son enseignement, c’est un moteur de perfectionnement. »
Sur un semestre, Anne-Sophie Varenne a complété une quinzaine d’heures par mois et est intervenue dans trois cours de deux heures, soit environ la moitié des séances en présentiel.
Un accompagnement qui paraît pour l’heure nécessaire à l’enseignante pour cette modalité d’enseignement. « Le cours développé demande un suivi Moodle très important, certaines séances avec des configurations en îlot nécessitent d’être à deux… », liste Ambre Vilain.
Après cette « très bonne expérience à tout point de vue », elle se dit prête à renouveler l’expérience. Cette fois-ci pour un nouveau cours de licence 3 en faisant appel à un étudiant impliqué dès sa création pédagogique, lors d’un atelier de 48 heures proposé par le centre de développement pédagogique de l’université.
La cible est atteinte : « Soutenir les équipes pédagogiques dans la diversification des modalités, les aider à oser des initiatives », relève Aurore Deledalle.
Former les assistants pédagogiques et les mobiliser sur de nouveaux axes
Pour enrichir le dispositif, une formation des assistants pédagogiques est en réflexion. Elle serait proposée par le centre de développement pédagogique. « Nous aimerions tendre vers un bloc de formation », dit Aurore Deledalle.
Par ailleurs, d’autres chantiers sont envisagés comme l’amélioration des pratiques d’évaluation. « À côté des évaluations sommatives pourraient mises en place des évaluations diagnostiques, formatives ou encore par les pairs. »