Numérique

Directrice de collection d’études de cas : créer des ponts entre recherche et enseignement


Professeure associée en théorie des organisations, Delphine Minchella dirige la collection d’études de cas de l’école de commerce EM Normandie. Elle structure ces ressources, qui sont mises à disposition à l’international, via la Centrale de cas et de médias pédagogiques. Et encourage les enseignants de l’établissement à en produire de nouvelles. Zoom sur cette fonction qui nourrit à la fois les activités d’enseignement et de recherche.

L’EM Normandie a désigné une directrice de collection d’études de cas en janvier 2025. - © EM Normandie/Michel Denancé
L’EM Normandie a désigné une directrice de collection d’études de cas en janvier 2025. - © EM Normandie/Michel Denancé

Portée par l’envie de transmettre des compétences à ses étudiants en leur présentant des cas concrets, Delphine Minchella, professeure associée en théorie des organisations, commence à publier des études de cas en 2016, deux ans après avoir rejoint l’EM Normandie.

« Une étude de cas, c’est un dispositif stratégique, qui évite une approche trop top-down, explique-t-elle. Elle permet de créer un contexte professionnel, avec une animation suivie d’un débat structuré. »

Convaincue de l’intérêt de cette façon d’enseigner, elle en crée de plus en plus. Début 2025, lorsqu’elle se voit confier la direction de la collection d’études de cas de l’école, elle est celle qui en publie le plus.

« J’ai misé sur les études de cas, car en tant qu’étudiante, j’ai toujours préféré les cours en intégrant et cela m’a profondément marquée », explique celle qui est passionnée dans la transmission et l’échange avec ses étudiants.

Structurer une collection d’études de cas

Pour intégrer la Centrale de cas et de médias pédagogiques (CCMP), l’EM Normandie a dû constituer un catalogue de dix études de cas. L’école en propose actuellement dix-huit. « Tout en laissant la liberté aux enseignants-chercheurs de publier sur les sujets de leur choix, nous valorisons les thématiques liées à la durabilité et à la transition sociétale », indique Delphine Minchella.

Delphine Minchella est directrice de la collection d’études de cas de l’EM Normandie. - © D.R.
Delphine Minchella est directrice de la collection d’études de cas de l’EM Normandie. - © D.R.

L’enseignante-chercheuse fait le pont entre l’EM Normandie et la CCMP, qui est une antenne de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris. « Pour être valides, ces études doivent être testées en cours, puis soumises à la CCMP. Certaines études de cas sont réalisées avec d’autres écoles, comme pour la rédaction d’articles scientifiques. »

Afin de structurer ce projet, l’enseignante-chercheuse a mis en place un conseil scientifique. « Il a pour mission de réfléchir à la sensibilisation de nos enseignants-chercheurs à la production d’études de cas et à leur intégration dans l’écosystème pédagogique de l’école. Il est composé de chercheurs dont les spécialités sont complémentaires des miennes. »

Une autre dimension de cette fonction consiste à accompagner les enseignants dans cette démarche. « Beaucoup en produisent sans en avoir pleinement conscience : il faut juste la méthode pour en faire quelque chose de publiable. Mon rôle est alors de collecter les études de cas de mes collègues, de les relire, de faire un véritable travail d’édition afin de garantir leur qualité pour les envoyer à la CCMP. »

Un exemple d’étude de cas pour enseigner la notion de marque employeur

Spécialisée dans les espaces organisationnels, Delphine Minchella remarque en 2017 une entreprise près de chez elle proposant des espaces « dans un esprit bottom-up » avec de nombreuses configurations possibles et du matériel ergonomique. « Il y avait aussi une salle de sport et une salle de sieste… C’était une approche très originale pour l’époque. Je me suis dit qu’il fallait que je montre cela à mes étudiants », raconte-t-elle. Elle a donc réalisé une étude de cas qui a nourri un enseignement plus général autour de la marque employeur.

« Les étudiants ont eu un regard critique sur le sujet. Cela nous permet, en cours de management, de revenir sur des notions essentielles : le formel et l’informel, l’émergence des innovations, la création de l’innovation au travail, etc. Plutôt qu’un cours descendant sur l’informel et la cohésion, nous avons étudié un cas réel. »

Encourager l’adoption en interne et ouvrir la collection aux professionnels

Un autre enjeu majeur est d’encourager les enseignants à utiliser les études de cas produites par leurs collègues. « Il s’agit d’un cercle vertueux : plus ces ressources sont utilisées et diffusées, plus elles deviennent un levier pédagogique puissant », estime Delphine Minchella.

Une fois que tous les membres de la faculté auront été formés aux études de cas, elle envisage d’élargir cette formation aux intervenants extérieurs, qui sont en grande majorité des cadres d’entreprise. « Leur vécu organisationnel peut être extrêmement intéressant. Nous avons de nombreux alumni qui posent deux ou trois jours de RTT pour venir donner des cours. Ils pourraient tout à fait produire des études de cas pertinentes en s’appuyant sur leur propre expérience. »

Un lien systématique entre études de cas, enseignement et recherche

« En tant qu’enseignants-chercheurs, nous avons plutôt la contrainte de publier des articles scientifiques. Mais je me suis saisie des études de cas en me disant que c’était au moins aussi important et intéressant », contextualise Delphine Minchella. Elle fait la jonction entre enseignement et recherche lorsque certaines thématiques d’études de cas ne sont pas toujours éclairées par la science. « Le temps de publication d’une étude de cas est nettement plus court. Un article prend entre un an et demi et deux ans à être publié, alors qu’une étude de cas peut être évaluée en un mois. »

Elle souligne en outre : « Tout se nourrit : il y a un dialogue systématique entre les entreprises que je côtoie pour mes recherches où je vais observer les pratiques les plus ingénieuses et la production d’études de cas car je me dis qu’il faut absolument que j’en parle à mes étudiants. »

Un impact direct sur l’expérience étudiante

L’usage des études de cas augmente les interactions. « Elle crée une jonction entre l’entreprise, les étudiants et les enseignants, qui sont détenteurs de connaissances. Dans des cours où les étudiants n’osent pas lever la main ou poser des questions, l’étude de cas crée un cadre plus engageant. Elle invite à l’interaction et pousse les étudiants à s’impliquer davantage. Lorsqu’ils deviennent acteurs de leur apprentissage, ils mémorisent mieux la théorie, car ils la vivent au travers d’une problématique concrète. »

Autre atout : créer du lien avec le monde professionnel. « J’ai donné un cours à des étudiants de troisième année, qui, quelques mois plus tard, cherchaient une alternance. Une étude de cas sur une entreprise locale a éveillé des envies de postuler chez eux. Toutes les études de cas ne créent pas nécessairement des vocations, mais elles apportent un regard différent sur les organisations. »

Des études de cas à vendre mais un gain avant tout symbolique

Les études de cas sont vendues par la CCMP à l’international. Pour autant, plus qu’un gain financier, cette démarche offre un apport symbolique, d’après Delphine Minchella.

« Je crois beaucoup à l’effet du bouche à oreille, aux forums étudiants. Ainsi, un étudiant qui aura trouvé un mode d’apprentissage plus engageant, qui ne se sera pas ennuyé en cours et qui aura bénéficié de dispositifs pédagogiques innovants, développera un rapport différent à ses études et il sera aussi plus enclin à recommander l’école. »