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Se former pour enseigner dans le sup' : un Mooc en pleine transformation, mode d’emploi

Par Marine Dessaux | Le | Pédagogie

Le Mooc destiné à la formation pédagogique des nouveaux maîtres de conférences a déjà été suivi par plus de 60 000 personnes. Une ressource qui s’adresse à un public large, jusqu’en dehors des frontières françaises. Mais après une montée progressive des inscrits, il a connu une chute de ses effectifs. Pourquoi ? En quoi consiste la nouvelle refonte parue à la rentrée 2023 ?

Se former pour enseigner dans le sup' : un Mooc en pleine transformation, mode d’emploi
Se former pour enseigner dans le sup' : un Mooc en pleine transformation, mode d’emploi

Par qui et pour qui ce Mooc a-t-il été créé ?

Créé en 2017, alors que les services d’appui à la pédagogie ne sont pas encore répandus dans toutes les universités, le Mooc « Se former pour enseigner dans le supérieur » est une ressource pour la formation des enseignants, mais aussi celle des doctorants et des ingénieurs pédagogiques.

Cet outil est particulièrement utilisé pour la formation obligatoire des nouveaux maîtres de conférences, régie par l’arrêté du 8 février 2018.

Il est financé et piloté par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) et opéré par l’Université de Rennes, qui gère sa mise en forme sur la plateforme de diffusion France université numérique (FUN). Son contenu, lui, est le résultat d’un travail d’équipe, plusieurs établissements y ont participé.

Les enseignants-chercheurs et doctorants premiers utilisateurs

Il y a, selon les sessions :

  • Entre 18 et 25 % d’enseignants-chercheurs ou enseignants du supérieur.
  • Entre 14 et 32 % de doctorants : un chiffre en augmentation ces dernières années. « Ceci est sans doute le résultat de nombreuses initiatives mises en place par les établissements et les écoles doctorales pour la formation des doctorants, notamment en lien avec leur mission d’enseignement », suppose le MESR, interrogé par Campus Matin.
  • Entre 3 et 8 %, d’ingénieurs et de conseillers pédagogiques, qui s’en servent pour accompagner la formation à destination de la communauté enseignante de leur établissement.

Pourquoi connaît-il une phase de désaffection ?

En sept sessions, le Mooc a tout de même été suivi par 60 000 personnes. Certes, il n’atteint plus les 12 000 participants par session du début, mais stagne plutôt autour de 6 000 inscrits. 

Nady El Hoyek est conseiller scientifique et pédagogique du MESR et enseignant-chercheur. - © D.R.
Nady El Hoyek est conseiller scientifique et pédagogique du MESR et enseignant-chercheur. - © D.R.

Nady El Hoyek, coordinateur du Mooc en tant que conseiller scientifique et pédagogique du MESR, donne une piste d’explication : « Aujourd’hui, toutes les universités sont dotées de services d’appui à la pédagogie, il y a donc une montée en compétences en matière de formation des enseignants-chercheurs. »

Les questionnaires de satisfaction du Mooc n’ont pas permis d’identifier de facteur déterminant pour justifier sa baisse d’utilisation. En revanche, ces enquêtes ont aidé à identifier des pistes d’amélioration qui ont inspiré une refonte en profondeur du Mooc pour la session 2023-2024.

Une ressource plébiscitée en dehors de la France

La communauté universitaire française n’est pas la seule à se saisir de ce Mooc : « Entre 58 et 62 % des participants sont situés en France, et la très grande majorité du reste de l’effectif appartient à la communauté francophone. »

Les premiers intéressés vivent dans les pays africains francophones, particulièrement au Maghreb. Pourquoi un tel succès ? « Cela reflète un besoin de se former à l’enseignement supérieur dans des établissements qui n’ont pas encore de services d’appui à la pédagogie. Le contenu est considéré comme prestigieux du fait du soutien du MESR. Certains nous demandent si l’open badge délivré à une valeur pour trouver du travail en France ou en Europe, je leur réponds qu’il n’est pas possible d’espérer des débouchés grâce à un badge seul », explique Nady El-Hoyek à Campus Matin.

Comment le Mooc a-t-il évolué à la suite de sa refonte ?

Repensé pour être plus accessible et plus digeste, le Mooc aborde désormais des questions de pédagogie sur quatre thématiques :

  • La conception d’un enseignement;
  • Le soutien des apprentissages par les activités ;
  • L’évaluation des apprentissages des étudiants ;
  • La construction d’un programme de formation en équipe pédagogique.

Pour un public déjà initié, cette nouvelle session « vise une montée en compétence, avec notamment des apports sur l’amélioration continue des pratiques pédagogiques (approche réflexive basée sur la recherche, évaluation continue de son enseignement, la valorisation dans la carrière) et la sensibilisation à l’importance de la formation par et à la recherche ».

Elle aborde également d’autres angles du métier d’enseignant-chercheur : la réussite étudiante, la qualité des formations et leur attractivité.

Un contenu plus en lien avec le terrain

« Nous avons reçu des retours constructifs soulignant que certaines thématiques étaient trop longues ou trop théoriques. Plus que les fondements des grandes théories des sciences de l’éducation, les participants souhaitaient du lien avec la pratique au quotidien, rapporte Nady El Hoyek. L’approche par compétences et le numérique qui étaient des thématiques à part ont été instillés en filigrane tout au long du Mooc. »

La refonte s’est également traduite par des ajustements de forme pour une meilleure expérience apprenante : des ateliers synchrones ont été mis en place en complément des échanges dans les forums. Des QCM formatifs, des activités autocorrectives et des minutes réflexives ont ainsi été ajoutés.

« Nous avons notamment travaillé sur la l’ergonomie de la plateforme, pour rendre les forums, qui participent à dynamiser la communauté, plus facile à trouver », ajoute le coordinateur du Mooc.

Acteurs de la refonte

Pour cette nouvelle édition, la scénarisation du Mooc et l’expérience apprenante ont été revues par une équipe multi-établissements : Université Paris Est-Créteil, Université d’Artois, Université de Caen Normandie, Université de Picardie Jules Verne, Centrale Nantes, Aix-Marseille Université, Université de Sherbrook, Université Littoral Côte d’Opale, Université de Montpellier et Université de Rennes.

Sensibiliser aux grands enjeux de l’enseignement supérieur

La conclusion du Mooc permet désormais aux participants d’intégrer une approche réflexive globale, dans le but de se sensibiliser aux grands enjeux de l’enseignement supérieur : initiation à l’inclusion pédagogique ; lutte contre les violences sexistes et sexuelles ; et transition écologique pour un développement soutenable.

« Il était important, au travers de ce Mooc, de transmettre un message à la communauté sur l’importance de la pédagogie et d’inciter ceux qui veulent changer leur façon d’enseigner à mettre en place une approche réflexive et qualitative pour prendre les bonnes décisions sur l’orientation à donner à son cours. À la fin du Mooc, je dis aux enseignants de faire comme nous avons procédé pour la refonte : faire parler autant que possible les données quantitatives et qualitatives de leurs enseignements pour le faire évoluer », raconte Nady El Hoyek.

Valoriser l’investissement dans la pédagogie

La conclusion a également pour objectif de sensibiliser à la valorisation de la pédagogie dans la carrière des enseignants-chercheurs. Un chantier encore en construction, mais qui prend de l’ampleur.

Christelle Lison est une figure de la pédagogie dans l’enseignement supérieur au Québec comme en France. - © D.R.
Christelle Lison est une figure de la pédagogie dans l’enseignement supérieur au Québec comme en France. - © D.R.

« Le focus final, que donne Christelle Lison, professeure en sciences de l’éducation de l’Université de Sherbrooke au Canada, souligne la possibilité de valoriser son investissement en pédagogie, sans nécessairement parler d’innovation, même pour les enseignants-chercheurs qui ne sont pas issus des sciences de l’éducation. Il est possible de publier des notes sur la plateforme de carnet de recherche Hypothèses, de participer à des congrès scientifiques qui privilégient les retours d’expérience, etc. La communauté pédagogique se structure. »

Nady El Hoyek, lui-même maître de conférences à l’Université Lyon 1 en anatomie et neuroscience publie sur ses enseignements dans la revue Anatomical sciences education, qui est à l’intersection entre sa pédagogie et ses disciplines.

Il souligne en outre : « Des collègues ont eu une prime Ripec grâce à leur investissement pédagogique. Dans certaines universités, on commence à observer, bien que cela reste encore très minoritaire, des repyramidage et recrutement de professeurs d’université pour leur investissement important tout au long de leur carrière dans l’enseignement », note-t-il.

Concrètement, quel déroulé ?

Pour sa session 7, le Mooc a ouvert début janvier 2024 : il est cadencé avec des animations jusqu’au 2 avril, puis sera libre accès jusqu’au 12 juillet. Lors des précédentes sessions, le Mooc ouvrait en novembre. « Nous avons décalé son ouverture cette année pour répondre à une demande de la communauté, indiquant une plus grande disponibilité sur le second semestre de l’année universitaire. Il s’agit d’un essai pour cette session, à voir si cela sera réitéré pour la session 8 », note le ministère.

Le temps de travail total est estimé à 24 h, et le travail de l’apprenant a été pensé pour s’étaler sur 12 semaines. Les thématiques sont ouvertes successivement et la durée d’une thématique varie entre deux et trois semaines, durant lesquelles l’animation est assurée par un binôme ou un trinôme d’experts des sujets abordés dans la thématique.

Chaque thématique est également ponctuée d’une ou plusieurs évaluations, sous forme de quiz. À l’issue de l’ensemble des évaluations, les apprenants ayant obtenu le seuil minimal requis se voient délivrer un open badge.

Les sources

De nombreuses sources francophones et anglophones, des années 60 à nos jours, peuvent être retrouvées dans les différentes bibliographies du Mooc. Notamment : Benjamin Bloom, Denis Berthiaume, Richard Prégent, Marcel Lebrun, Rolland Viau, Jean Vial, Charles Pellegrino, Benoît Escrig, Marianne Poumay, François Georges et Jacques Tardif.

Une utilisation qui diffère d’un établissement à l’autre

Selon les établissements, le Mooc est utilisé intégralement en ligne ou est hybridé et complété par des animations pédagogiques locales conduites par les services d’appui à la pédagogie. Environ un quart des participants ont suivi ces animations parmi lesquelles « des conférences thématiques, les ateliers d’échanges, les ateliers de formation, les cafés-débats », liste le ministère.

Pour soutenir ce mouvement, l’équipe du Mooc, avec l’aide du service universitaire de pédagogie et des Tice de l’Université de Rennes, a travaillé sur :

  • La production et la communication des outils et documents d’accompagnement pour l’organisation d’animations locales : syllabus du Mooc, scénario d’animation…
  • L’animation du réseau en proposant des webinaires et travaux entre établissements.

Quel retour des participants ?

D’après les enquêtes de satisfaction des quatre dernières sessions, environ trois quarts des répondants estiment qu’ils pourront mettre en pratique ce qu’ils ont appris durant le Mooc. « Nos enquêtes mettent en évidence une évolution du niveau de connaissance des apprenants qui estiment évoluer vers un niveau d’expertise plus élevé », rapporte le ministère.