Les établissements du sup’ incités à accueillir des réfugiés afghans
Par Isabelle Cormaty | Le | Relations extérieures
Alors que l’Afghanistan plonge dans une crise politique et humanitaire depuis la prise de Kaboul par les Talibans, la ministre de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal incite les établissements du sup’ et organismes de recherche à se mobiliser pour accueillir des scientifiques et des étudiants afghans.
Après la prise de Kaboul par les Talibans le 15 août, responsables politiques, associatifs et membres de la communauté de l’enseignement supérieur ont pressé le gouvernement d’accueillir des réfugiés afghans.
Le président de la République, Emmanuel Macron, dans son allocution diffusée le 16 août leur a répondu, assurant que la France aiderait les « défenseurs des droits, artistes, journalistes, militants [qui] sont aujourd’hui menacés en raison de leur engagement ». Sans mentionner le sort des étudiants et scientifiques afghans…
Dans un courrier aux chefs d’établissements daté du 23 août, la ministre de l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation appelle les institutions à se mobiliser.
« En ce qui concerne l’accueil des scientifiques, je vous invite à renforcer votre mobilisation pour faciliter au maximum leur intégration au sein de nos unités de recherche. La situation des étudiants est également préoccupante : faciliter les inscriptions, mettre en place des solutions d’accueil et d’hébergement sont autant d’actions indispensables pour répondre à l’urgence immédiate », souligne Frédérique Vidal.
Quelles réactions des syndicats et associations ?
Cette déclaration de Frédérique Vidal fait suite aux nombreux appels lancés par les syndicats et associations représentatives des établissements du supérieur depuis la prise de Kaboul.
Une attention particulière portée aux étudiantes
« Les femmes et les étudiantes en particulier vont être les victimes d’un obscurantisme meurtrier », s’inquiétait ainsi Franck Loureiro, secrétaire général adjoint du Syndicat général de l’Éducation nationale, branche de la Confédération française démocratique du travail (Sgen-CFDT). Sur Twitter, il appelait notamment la France « à accueillir étudiantes et chercheuses afghanes. »
Dans un communiqué publié le 16 août dernier, la Conférence des présidents d’université affirmait sa solidarité à l’égard des étudiants et universitaires afghans et appelait à considérer en priorité les demandes des étudiantes et des chercheuses.
« Elle demande solennellement aux autorités françaises et européennes de tout mettre en œuvre pour accueillir celles et ceux qui souhaiteront quitter leur pays. Les universités françaises, fidèles à leur tradition, sont prêtes à accueillir dans l’urgence toutes celles et tous ceux qui souhaiteront y poursuivre leurs études ou leurs recherches », précisait-elle.
La Conférence des directeurs d’écoles françaises d’ingénieurs (Cdefi), a elle aussi exprimé « le soutien des écoles françaises d’ingénieurs, qui sont prêtes à accueillir les étudiants et chercheurs afghans dans le besoin ».
Une mobilisation en lien avec le programme Pause
Les multiples réactions de la communauté ESR sur la situation en Afghanistan mentionnent pour la plupart le programme Pause. C’est le cas de notamment de l'Association nationale des écoles supérieures d’art.
« L’Andéa rappelle qu’elle est plus que jamais aux côtés de l’atelier des artistes en exil et du programme Pause du Collège de France, avec qui plusieurs initiatives sont déjà en cours, pour que notre pays demeure une terre d’asile pour les artistes et tous les créateurs », précise cette dernière dans un communiqué publié le 20 août.
Dans son courrier adressé aux responsables d’établissements, d’universités et d’organismes de recherche, Frédérique Vidal rappelle également que le programme Pause « est notre premier outil pour faire face à cette crise ».
En quoi consiste le programme Pause ?
Créé en janvier 2017, le Programme d’accueil en urgence des scientifiques en exil, dit Pause, réunit les grandes institutions de la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Il est piloté par le Collège de France, et s’adresse à tous les scientifiques et artistes qui ne peuvent exercer leurs activités librement dans leur pays d’origine et sont donc contraints à l’exil.
Ce programme national concourt à un double objectif : assurer la continuité des travaux scientifiques ou artistiques commencés par les intellectuels en danger, tout en garantissant leur sécurité et celle de leur famille. Le Collège de France accompagne également les exilés dans leurs démarches administratives et leur insertion professionnelle.
Comment accueillir un réfugié ?
Trois types de structures peuvent intégrer dans leurs équipes un lauréat Pause :
- les établissements d’enseignement supérieur ou organismes de recherche publics ;
- les établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (EESPIG) ;
- ou les établissements sous tutelle du ministère de la Culture.
Les dossiers de candidature sont constitués et présentés par l’établissement d’accueil, mais le programme peut également mettre en relation les institutions volontaires et les candidats.
« Les établissements prêts à accueillir des scientifiques ou artistes afghans sont invités à se rapprocher du programme PAUSE (pause@college-de-france.fr) en vue de l’octroi d’un soutien financier à hauteur de 60 % du budget nécessaire à leur recrutement pour un an », rappelle le programme dans un communiqué diffusé le 18 août.
Quel est le montant de l’aide allouée ?
Le soutien financier couvre une période d'une année, mais peut être renouvelé une fois. Seuls les doctorants inscrits en première année au moment de leur candidature peuvent obtenir un cofinancement de trois ans.
Le montant du financement varie en fonction du statut et de l’expérience du bénéficiaire. Il peut atteindre jusqu’à 20 000 euros par an pour un doctorant ou un assistant de recherche, et jusqu’à 60 000 euros pour un directeur de recherche ou un professeur des universités.
Les critères d’éligibilité au programme Pause
Pour être éligibles au programme Pause, les réfugiés doivent eux remplir trois critères :
• Pouvoir justifier de leur statut d’enseignant-chercheur ou de chercheur de toute discipline académique ;
• Se trouver en situation d’urgence (victime de persécution ou de violence en raison de ses opinions…) ;
• Être dans l’obligation de s’exiler de son pays d’origine ou avoir quitté son pays depuis moins de 3 ans.