Les établissements publics du supérieur pourraient-ils optimiser davantage leurs achats ?
Par Isabelle Cormaty | Le | Relations extérieures
Alors que le budget des universités est de plus en plus serré, un rapport présenté au Sénat en juillet 2024 pointe plusieurs solutions pour améliorer l’efficacité des achats publics dans l’enseignement supérieur. Il recommande notamment d’intégrer la performance des achats publics dans les contrats d’objectifs, de moyens et de performance.
2,5 milliards d’euros par an. Voilà à combien s’élèvent les achats de l’ensemble des universités françaises d’après la Direction des achats de l’État (DAE). La Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (Dgesip) du ministère de l’enseignement supérieur estime de son côté le montant des achats entre 8 et 10 milliards par an.
Une différence d’évaluation due à l’absence de système d’information national permettant de consolider les données au niveau du ministère et au manque de remontées des informations par les universités à la DAE, pourtant obligatoires.
Pour la sénatrice Vanina Paoli-Gagin (Les indépendants), « au regard des enjeux financiers et des marges de manœuvre budgétaires, des objectifs de performance des achats des universités doivent devenir systématiques dans les contrats d’objectifs, de moyens et de performance ». Elle a présenté le 10 juillet en commission des finances un rapport sur l’efficacité de la commande publique dans l’enseignement supérieur. Voici ce qu’il faut en retenir.
Le rôle des centrales d’achat en question
Les universités disposent de quatre modes d’achat : des achats en propre, le recours aux accords-cadres de la direction des achats de l’État (DAE), le recours à une centrale d’achat et la mutualisation avec une ou plusieurs autres universités par le biais de groupements de commandes. La sénatrice souhaite encourager cette dernière option pour gagner en performance.
Deux centrales d’achats se partagent plus des deux tiers des achats des universités : l’Union des groupements d’achats publics (Ugap) et l’Agence de mutualisation des universités (Amue). « Toutes les universités n’ont cependant pas recours de manière identique aux centrales d’achat, sans qu’il ne soit réellement possible d’établir une corrélation avec la taille de l’université ou les personnels mobilisés sur les fonctions achat », constate le rapport.
Les marges de l’Ugap
Placée sous la double tutelle du ministre chargé du budget et celui de l’éducation nationale, l’Ugap aspire la moitié des achats passés par les universités au travers d’une centrale d’achats. Pour se rémunérer, la centrale prélève une marge sur les marchés mis à disposition des opérateurs publics et demande une contribution aux fournisseurs. Le taux de marge varie en 2023 entre 2,6 % pour les véhicules et 6,3 % pour le mobilier.
« La question du gain final apporté aux universités par le recours à l’Ugap se pose. La DAE indique ne pas disposer d’une estimation sur ce point, mais souligne ne pas avoir eu de difficulté avec la qualité des prestations fournies par l’Ugap. Les retours entendus par le rapporteur spécial des différents opérateurs faisant appel à l’Ugap sont cependant très variables. »
La sénatrice Vanina Paoli-Gagin demande ainsi à l’État d’intégrer des objectifs de satisfaction qualité des opérateurs et détailler davantage ceux ayant trait à la performance économique dans le contrat d’objectifs et de performance de l’Ugap.
Peu de mise en concurrence pour les achats en recherche
Les achats de matériels dédiés spécifiquement à la recherche scientifique représentent environ 2 % du total des achats des universités. Mais, « du fait d’un nombre de fournisseurs limités, et du besoin de maintenir des conditions expérimentales déterminées, les fournisseurs sont souvent en situation de monopole ou de quasi-monopole », constate le rapport du Sénat.
Le code de la commande publique prévoit des dérogations pour tenir compte des contraintes de l’écosystème de la recherche. « Les laboratoires de recherche peuvent avoir tendance à appliquer à tous leurs achats les assouplissements prévus par la réglementation, alors que davantage de mise en concurrence ou de mutualisation pourraient parfois être recherchées, dans l’acquisition notamment de produits récurrents ou de gros matériels techniques très onéreux ».
Professionnaliser les fonctions achats
Enfin, le rapport suggère de professionnaliser les fonctions achats dans l’enseignement supérieur. Comme tous les autres services, les directions achats rencontrent des difficultés à recruter et fidéliser leurs personnels.
« Conséquence de ces problématiques d’attractivité, nombre d’universités ont des postes non pourvus, tandis qu’un fort renouvellement des équipes vient fragiliser l’ensemble des procédures d’achat », constate le rapport.
Parmi ses neuf recommandations, la sénatrice Vanina Paoli-Gagin propose de désigner dans toutes les universités un référent « performance de l’achat » et de déployer activement des actions de sensibilisation et de formation aux enjeux de performance de l’achat public auprès des personnels, mais aussi pour les enseignants-chercheurs.
Former les agents aux enjeux de performance
« Peu d’universités ont mis en place des actions approfondies de formation à destination de leurs personnels », selon le rapport. À l’échelle nationale, la Dgesip propose depuis 2016 un parcours pour les responsables achats des établissements, sur le modèle des formations pour les cadres de l’enseignement supérieur portées par l’IH2EF et l’Amue.
Mais « les personnels non administratifs semblent ainsi les oubliés de la formation sur la commande publique, alors même qu’ils sont directement concernés ». Contrairement à d’autres secteurs de la fonction publique, les universités disposent en effet d’une multitude d’ordonnateurs (personnels et enseignants-chercheurs) avec en plus de la direction des affaires financières, des ordonnateurs dans les différentes composantes et les laboratoires.