Fondations du supérieur : comment mettre en place une stratégie de legs ?
Par Marine Dessaux | Le | Relations extérieures
Faire don de tout ou partie de ses biens à une association ou une fondation, c’est le principe du legs. Une pratique encore peu répandue dans le supérieur, mais initiée à l’Institut Catholique de Paris et bien connue de l’association Action contre la Faim. Campus Matin a recueilli leurs conseils, partagés lors de la 17e conférence du fundraising pour l’ESR et la santé.
« Il peut être surprenant d’investir dans une stratégie de legs », prévient Leila Bahloul, responsable du pôle libéralités et grands donateurs d’Action contre la Faim, au cours de l’atelier « Démarrer sa stratégie de legs » lors de la conférence annuelle pour l’ESR de l’Association française des fundraisers, le 8 mars dernier. En effet, il s’agit à la fois d’un sujet délicat et en contraste avec les stratégies habituelles de collecte immédiate de dons.
Pour convaincre de la pertinence d’une telle stratégie auprès de sa gouvernance, plusieurs éléments. Le potentiel d’abord : la France est un pays vieillissant qui compte 12,8 % de personnes de plus de 60 ans. Selon une étude ObSoCO pour France Générosité menée auprès des Français de 50 ans et plus, 9 % d’entre eux envisagent de léguer une part de leur patrimoine à une association.
Le retour sur investissement (ROI) est également très important, de 1 000 % à Action contre la faim. « C’est une stratégie qui ne demande pas ou peu d’investissement financier », explique Leila Bahloul.
Par ailleurs, la cible actuelle — la génération des baby-boomers — est particulièrement encline à ce genre de dons. « Ils ont connu les trente glorieuses et s’estiment souvent très chanceux. Ils ont souvent envie de rendre la pareille aux jeunes qui ont plus de mal aujourd’hui. »
Enfin, si les ressources sont difficiles à prédire et que les résultats s’obtiennent à long terme, la stratégie de legs s’inscrit dans le prolongement d’une dynamique de collecte déjà instaurée.
Quel bienfaiteur type ?
Le bienfaiteur le plus à même de faire un legs est… une bienfaitrice ! À Action contre la faim, il s’agit souvent de femmes de plus de 75 ans, veuves ou célibataires et ayant une affinité avec la problématique portée par la cause (en l’occurrence, éradiquer la faim). « Cela peut concerner des couples qui ont des enfants avec attachement à l’établissement, parfois parce qu’ils s’y sont rencontrés », précise Albane de Longpré, directrice du mécénat à l’Institut Catholique de Paris (ICP).
Les étapes à avoir en tête avant de se lancer
La gestion de la stratégie de legs repose sur trois étapes :
- La prospection et la qualification du fichier : « Il est important d’avoir une communication régulière », souligne Leila Bahloul.
- La fidélisation et le suivi : une partie coûteuse en temps et moins en argent, où les bienfaiteurs doivent être accompagnés sur leur projet de transmission. « Les personnes veulent avoir une idée concrète de ce qui sera fait avec leur legs. »
- La gestion des dossiers : une partie qui demande une expertise juridique en cas de contestation du legs par les héritiers. La liquidation des avoirs peut être longue : à Action contre la faim, on compte six mois à deux ans (un temps qui se réduit lorsque sont léguées des assurances-vie, la transaction se faisant alors directement avec la banque).
Enclencher un plan d’action
Avant toute chose, une prise de pouls s’impose au sein de l’établissement. Est-ce un sujet accepté, connu de tous ? « Il est préférable que la gouvernance nous suive », ajoute Albane de Longpré. En fonction des résultats, des actions de communication en interne doivent être mises en place.
Intervient ensuite, l’identification des prospects sur la base de données déjà existante au sein de la fondation, souvent des alumni. « Nos legs proviennent à 60 % de nos donateurs », indique Leila Bahloul. Cela demande d’étudier quel accès aux annuaires est possible, dans le respect du RGPD.
En plus d’établir une procédure de gestions des legs et autres libéralités, il est important de fixer un cadre éthique. Cela peut prendre la forme d’une charte de déontologie à faire valider par le conseil d’administration. « Il faut notamment discuter avec la gouvernance de l’investissement humain réservé aux bienfaiteurs. Si une personne âgée appelle régulièrement pour demander de l’aide dans son quotidien, est-ce notre rôle de prendre du temps pour lui répondre à chaque fois ? », illustre la responsable du pôle libéralités et grands donateurs d’Action contre la Faim.
Une communication autour des valeurs de l’établissement
Par ailleurs, établir le message et les valeurs véhiculés est primordial. « Nous nous sommes demandés si cette stratégie avait du sens pour notre établissement et était en accord avec les missions de notre association. Cet acte de transmission qu’est le legs repose sur de l’humanisme, de la bienveillance. La façon dont l’établissement est perçu est importante », raconte la directrice du mécénat à l’Institut Catholique de Paris, Albane de Longpré.
La communication se fera notamment autour du site web, c’est pourquoi avoir une page qui mentionne le legs est une case à cocher. De même, « la mention : habilité à recevoir des dons, des legs, des assurances-vie, des donations est à systématiser dans tous les messages de communication », préconise Leila Bahloul.
Se lancer avec peu de moyens
Enfin, pour se lancer, ne pas avoir peur de commencer modestement, en capitalisant sur l’existant. « À l’ICP, nous avons martelé le message de manière très subtile : par un article dans notre lettre aux amis, une interview d’une personne qui s’interroge sur ce qu’est le legs, en glissant une brochure dans le courrier… », énumère Albane de Longpré.
Il sera par la suite possible de professionnaliser les pratiques. Notamment en posant les bases du recrutement de cibles affinitaires grâce à l’accompagnement d’une agence : présence web, référencement, publicités Google et Facebook, plan média print…