Innovation pédagogique : ses TP dans la cuisine font recette !
Par Marine Dessaux | Le | Pédagogie
Maitresse de conférences à l’École européenne de chimie, polymères et matériaux (ECPM), Madeline Vauthier a remporté le premier Prix de l’innovation pédagogique de la CGE pour son projet « La physique dans ta cuisine ». Une innovation qui a permis aux étudiants de poursuivre les travaux pratiques malgré le distanciel dû à la crise sanitaire… et qui continue à piquer leur curiosité depuis le retour en présentiel.
Elle a réinventé ses travaux pratiques (TP) en mécanique des polymères afin que les étudiants, alors en confinement, puissent les réaliser depuis leur cuisine. Une idée de Madeline Vauthier, maîtresse de conférences en physique à l’École européenne de chimie, polymères et matériaux (ECPM, école interne à l’Université de Strasbourg).
Facile à mettre en œuvre, « La physique dans ta cuisine » a été distinguée par les premiers prix de l’innovation pédagogique de la Conférence des grandes écoles (CGE), annoncés à l’été 2022 et remis le 24 novembre 2022. Récit dans ce deuxième épisode de notre série sur les projets d’innovation pédagogique réussis.
Un projet né pendant le confinement
En 2020, alors que les campus sont fermés en raison de la crise sanitaire, Madeline Vauthier doit basculer ses enseignements à distance. « Pendant les périodes où la visioconférence était de mise, il m’a semblé inconcevable que les étudiants ne manipulent pas », raconte la maîtresse de conférences.
Dès lors, comment rendre accessibles les expériences réalisées en laboratoire, avec du matériel parfois très onéreux ? « Je suis assez friande de vidéos de vulgarisation scientifique à partir d’expériences simples : les mentos dans le coca-cola, la lampe à magma avec l’huile et le vinaigre. Je m’en suis donc inspiré », poursuit-elle.
La mécanique des polymères… dans sa cuisine !
Dans sa cuisine, l’enseignante ouvre les placards et cherche les éléments qui pourront correspondre à ce qui est habituellement utilisé en cours. Pour mesurer l’impact de la viscosité sur la vitesse d’écoulement d’un liquide, c’est à partir de yaourt, d’une paille et d’une balance que prend forme l’expérience.
« J’ai monté une vidéo présentant les différents appareillages utilisés en TP, expliqué la démarche habituelle puis proposé un protocole modifié aux étudiants. Ce qui est intéressant, c’est que les résultats — bien que moins précis — restaient cohérents », expose Madeline Vauthier.
Un côté décalé qui se traduit par un plus grand engagement des étudiants. « Ils se sont vraiment interrogés sur la raison des démarches qu’ils faisaient. En école de chimie, beaucoup d’étudiants en première année sont fâchés avec la physique et ont aimé ce côté ludique. »
Une innovation qui continue à faire évoluer le cours
Aujourd’hui, la maîtresse de conférences continue à utiliser les vidéos tournées dans le cadre du TP en distanciel. « Je la montre aux étudiants qui font ensuite les manipulations en salle », explique-t-elle.
Cette innovation pédagogique s’est aussi transformée en devoir à la maison. « C’est parce que j’ai un bon retour de la part des étudiants encore aujourd’hui que je continue à proposer cet exercice », dit Madeline Vauthier.
Etre dans le ludique au niveau ingénieur
Souhaite-t-elle aller plus loin et accorder une plus grande place aux expériences décalées en TP ? « C’est ma réflexion en ce moment : est-ce que je peux être dans le ludique au niveau ingénieur ? Ces mêmes expériences peuvent souvent être proposées aux plus jeunes, c’est l’explication derrière qui change. Une piste serait de faire plus d’applicatif en faisant notamment intervenir des industriels dans mes cours », imagine-t-elle.
Les retombées du prix de la CGE
Outre une mise en avant de la CGE pour son innovation pédagogique, le prix reçu a permis à l’enseignante-chercheuse d’être repérée par la communauté des talents pédagogiques, qui rassemble différents acteurs de l’ESR souhaitant favoriser le développement pédagogique. Pour cette dernière, elle a réalisé une fiche pratique avec les grandes lignes de son protocole ainsi qu’une mise en avant dans un webinaire.
L’idée, à chaque fois, est de permettre aux autres enseignants de découvrir les innovations et d’être en relation avec d’autres collègues qui innovent autrement. « Parfois, on a un peu la tête dans le guidon entre les cours et la recherche, ces opportunités m’ont fait connaître des formes d’innovations très intéressantes », témoigne Madeline Vauthier.
Son conseil : « N’ayez pas peur de sortir d’un format scolaire »
Pour ceux qui souhaiteraient ajouter ce côté ludique et décalé à leur cours, la professeure conseille : « Lâchez-vous, n’ayez pas peur de tenter des choses. Les étudiants sont curieux, dès qu’il y a quelque chose qui sort un peu du format scolaire, la forme les interpelle, puis ils se pencheront sur le fond. Cela permet de se raccrocher à des sujets qui ne les motivent pas toujours. »
Ressources pédagogiques dans l’établissement
Au sein de l’Université de Strasbourg, il existe un Institut de développement et d’innovation pédagogiques, l’Idip. « J’y suis allée lors de ma première année en tant qu’enseignante-chercheuse, explique Madeline Vauthier. J’y ai suivi des ateliers sur les basiques : comment structurer un cours, comment transmettre un savoir aux étudiants, proposer quelque chose de nouveau… J’y ai appris que la motivation d’un étudiant ne dépendait pas que de ce que je pouvais proposer, mais aussi du contexte. »