Vie des campus

Une journée avec… Bruno Péran, directeur de cabinet à l’Université Toulouse-Jean Jaurès

Par Marine Dessaux | Le | Stratégies

Toute sa vie étudiante et professionnelle se sont construites sur le campus du Mirail. Bruno Péran y est aujourd’hui directeur de cabinet de la présidente de l’Université Toulouse-Jean Jaurès. L’ancien doctorant puis chargé de valorisation a donné un tour politique à sa carrière. Dans un établissement connu pour ses crises, il œuvre à en changer l’image. Campus Matin a passé une journée avec lui.

Campus Matin a suivi Bruno Péran dans ses activités le temps d’une après-midi. - © D.R.
Campus Matin a suivi Bruno Péran dans ses activités le temps d’une après-midi. - © D.R.

Depuis plus de 15 ans, la fonction de directeur de cabinet se fait une place dans les établissements d’enseignement supérieur. Après des débuts parfois complexes en interne, elle s’affirme désormais. À l’Université Toulouse-Jean Jaurès (UT2J), c’est Bruno Péran qui l’incarne.

Son parcours s’est construit exclusivement au sein de l’UT2J  : comme étudiant en espagnol d’abord, puis en tant que doctorant chargé d’enseignement de 2007 à 2011 et chargé de valorisation au sein du laboratoire Lettres, langages et arts-Créatis.

En 2018, la crise que connait l’établissement, avec un campus bloqué par les syndicats étudiants et des personnels mobilisés contre le projet de fusion des universités, sert de déclencheur. Il rejoint la liste « Ensemble pour l’université » menée par Emmanuelle Garnier qui, une fois élue présidente, lui propose d’être son directeur de cabinet. « Je suis arrivé à la fonction par l’établissement et non pas dans l’établissement par la fonction », remarque-t-il.

La présidente, reconnue pour avoir ramené une certaine stabilité à l’UT2J, a été réélue en février 2023 pour un second mandat… avec Bruno Péran à ses côtés.

Une journée à enchaîner les réunions !

L’Université Toulouse-Jean Jaurès fait partie de la communauté d’universités et d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche (Comue) Université de Toulouse. - © UTJ2
L’Université Toulouse-Jean Jaurès fait partie de la communauté d’universités et d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche (Comue) Université de Toulouse. - © UTJ2

En ce mardi 30 mai, comme presque chaque jour de semaine depuis ses études en 1999, Bruno Péran se rend à l’UT2J, sur le campus du Mirail.

Il s’engouffre dans le bâtiment de la présidence, dont la façade porte encore les stigmates des récentes dégradations commises lors de la mobilisation étudiante contre les retraites. Au deuxième étage, il retrouve son bureau, accolé à celui de la présidente et non loin des quartiers du directeur général des services (DGS), Alain Dintilhac.

La matinée est consacrée à la gestion des courriels puis à un rendez-vous avec la présidente, la vice-présidente de la commission recherche et le directeur d’une unité de recherche. Au programme de la discussion  : un projet de colloque et d’exposition programmé à partir de novembre 2023

Contribuer à la préparation des instances

En début d’après-midi, le directeur de cabinet participe à la réunion de préparation du conseil d’administration (CA). Il est attablé avec la présidente, le DGS, le vice-président du CA et deux personnes du pôle des affaires générales. L’atmosphère est calme et concentrée, à l’image de la maîtresse de cérémonie, Emmanuelle Garnier. Pendant une heure et demie, le menu du CA est déroulé point par point et les interventions sont calibrées  : quelles sont les informations manquantes ? Comment accompagner tel ou tel sujet pour éclairer le vote des membres du conseil ?

« Contribuer à la préparation des instances fait partie de mon travail au quotidien, pour que la vie institutionnelle se déroule au mieux », explique Bruno Péran. Concrètement, cela signifie envoyer un SMS pour caler une prise de parole, quitter la table brièvement pour partager une information avec une collègue, veiller à ce que le conseil d’administration ne soit pas trop long tout en étant le plus diplomate possible…

Une collaboration étroite avec le service communication

Changement de programme exceptionnel ensuite, au lieu d’assister à la préparation du conseil académique, un atelier a été monté sur le pilotage de la communication. Actuellement, l’université ne compte pas de directeur de la communication alors que ce sujet pourrait être porté à un niveau plus stratégique.

La réunion, première d’une série étalée sur plusieurs mois, se déroule en présence du DGS et son adjoint, du responsable et de la chargée de la communication. Le thème ? La frontière entre communication politique et institutionnelle. Cette dernière doit « être pérenne et marquer une continuité dans le temps, quelle que soit l’équipe dirigeante », pointe Bruno Péran.

Un rôle de facilitateur

Bruno Péran est un facilitateur. Il fait le lien entre les interlocuteurs, reformule, clarifie. Il s’assure que les échanges soient fluides et les messages compris.

Trouver où est le problème pour essayer ensuite de débloquer une situation

« Plus qu’une mission de directeur de cabinet, c’est peut-être une façon de faire qui est propre à mon caractère, avance-t-il. Au-delà, j’ai bien sûr un rôle de conseil auprès de la présidente, et je travaille en étroite collaboration avec certains services pour des dossiers spécifiques, comme avec le service communication par exemple. Lorsque l’on vient me solliciter, j’ai à cœur de trouver où est le problème pour essayer ensuite de débloquer une situation. »

De par son parcours, il est en effet familier des missions d’une grande partie des acteurs de l’établissement et connait les personnes derrière les fonctions. « J’ai évolué en tant qu’étudiant, vacataire, enseignant et personnel administratif  : tous ces métiers forment selon moi une même communauté. »

Un directeur de cabinet qui s’efface derrière sa présidente…

Emmanuelle Garnier a été réélue présidente de l’UT2J en février dernier. - © UT2
Emmanuelle Garnier a été réélue présidente de l’UT2J en février dernier. - © UT2

Malgré une personnalité dynamique, Bruno Péran veut se faire le plus discret possible pour laisser toute sa place à la présidente Emmanuelle Garnier, dans les prises de décisions ou de parole auprès des médias. Il ne se retrouve pas forcément, comme il a pu le lire, dans le terme de « bras droit ».

« Je ne suis pas là pour m’exposer, mais pour que la présidente puisse exercer au mieux ses fonctions au service de l’établissement. Je connais et partage son engagement; mon action, quelle qu’elle soit, s’inscrit dans cet engagement auprès d’elle. »

Une fonction qui demande « une grande loyauté » et un alignement avec les prises de position adoptées. Dès lors, comment réagir en cas de désaccord important ?

C’est l’une des questions inhérentes au métier, que se posaient les directeurs de cabinet au cours de leur première formation à l’Institut des hautes études de l’éducation et de la formation (IH2EF). « Il semble difficile de rester si c’est vraiment une problématique de fond, estime Bruno Péran. Mais j’ai une confiance absolue en Emmanuelle Garnier. Je sais que cela n’arrivera pas. »

… et travaille en complémentarité avec le DGS

Cette après-midi passée au côté de Bruno Péran illustre bien la complémentarité entre DGS et directeur de cabinet. Tous deux ont plusieurs réunions en commun avec des rôles bien définis. « Depuis le début, le périmètre est clair pour chacun de nous. »

L’importance du soutien d’un réseau

Bruno Péran souligne l’apport de l’association métier DircabESR dont il est membre du bureau : « En arrivant dans la fonction, je me sentais peut-être un peu maigre pour le costume ! Il a fallu que je lise, que je me forme de façon un peu autodidacte, avec curiosité. Le réseau m’a aussi beaucoup aidé, pour sortir de la solitude qui est la nôtre ou encore pour échanger sur nos problématiques communes. Les témoignages de confiance des collègues, également, aident à se sentir plus légitime. »

Comment voit-il la suite ?

Désormais, le directeur de cabinet dit vouloir s’assurer « que l’établissement aille toujours mieux, qu’il soit toujours plus agréable d’y travailler et d’y étudier ». Après avoir traversé plusieurs crises, avec dernièrement des dégradations et l’occupation d’un bâtiment surnommé « Zone autogérée du Mirail (ZAM) », le vœu de Bruno Péran est de faire évoluer l’image de l’université, pour qu’elle soit « plus fidèle à la richesse et à la qualité des actions qui y sont conduites chaque jour ».

Le directeur de cabinet est très attaché à son alma mater. « Je m’y suis formé, j’y ai noué des relations personnelles très fortes, j’y travaille… L’établissement m’a offert tout cela et je lui en suis très reconnaissant. »

Je prends aujourd’hui plus de recul.

Finalement, de la difficulté des périodes de tensions, il veut tirer du positif. « On en sort plus costaud à chaque fois. Là où je pouvais être très atteint, je prends aujourd’hui plus de recul et je le vis mieux. Néanmoins, je veux garder cette forme de sensibilité et ne pas devenir complètement indifférent à tout cela. »

« Contribuer à une réflexion sur l’ESR »

Bruno Péran a passé plus de vingt ans à l’UT2J. - © M.Dessaux
Bruno Péran a passé plus de vingt ans à l’UT2J. - © M.Dessaux

Quels sont les horizons professionnels pour un directeur de cabinet ? « Après avoir été dircab, il est peut-être difficile d’occuper un poste administratif au sein d’un établissement », se dit Bruno Péran. C’est pourquoi il souhaite faire valoir son expérience dans l’ESR, auprès d’autres acteurs.

« J’ai dû mal à me penser comme un directeur de cabinet à vie. La question du tandem avec Emmanuelle Garnier est très importante. J’aime la coloration politique du poste, et si je peux continuer mon parcours à travers un engagement qui correspond à mes valeurs, cela me plairait. »

Il ajoute : « Même si la dimension politique peut être usante, elle est aussi prenante et stimulante. Je ne sais pas si je ferais 20 ans de plus à l’Université Toulouse-Jean Jaurès, mais ce dont je suis sûr c’est de vouloir contribuer à une réflexion sur l’ESR. »

La rédaction de Campus Matin était à Toulouse !

Cet article s’inscrit dans le cadre de la résidence toulousaine de News Tank Éducation & Recherche et Campus Matin, son site ouvert. Du 30 mai au 2 juin, les rédactions ont posé leurs valises afin de rencontrer les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche et de partager leurs expériences et initiatives.